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Thomas rollinIl suffisait d’une étincelle pour mettre le feu. Depuis plusieurs semaines, les artistes et techniciens du spectacle manifestent leur désaccord et leur colère après la réforme de leur régime d’indemnisation du chômage par des partenaires sociaux peu représentatifs de leur profession. Ils réclament à nouveau un système plus juste et plus efficace qui existe parce qu’il a été étudié par le Comité de suivi et de coordinations des intermittents. Pas question de rejouer le même scénario qu’en 2003 avec l’annulation des festivals d’été. Dans leur lutte, les artistes sont passés à une autre phase : la pédagogie. Explication avec Thomas Rollin, comédien rouennais.

 

Il joue mais pas seulement. Toutes les pages de son agenda sont griffonnées. Il y a du noir, du bleu, du rouge, des ronds, des grands carrés. Thomas Rollin est comédien, chanteur, metteur en scène et a un emploi du temps bien chargé.

Un artiste, c’est comme un iceberg. Il y a deux faces. Celle qui est visible correspond au temps de jeu. « Mais nous ne sommes pas seulement des personnes qui l’on vient applaudir sur scène ». La partie cachée reste bien évidemment la plus importante. « C’est tout le travail effectué en amont d’un spectacle qui n’est pas quantifiable. Pour un comédien, c’est l’apprentissage du texte. Pour un musicien, le travail de l’instrument. Pour un danseur, celui du corps. Aujourd’hui, je suis en phase d’écriture d’un spectacle sur le harcèlement à l’école. J’ai toute une période de documentation, de lecture, de récolte de témoignages ».

Dans cette partie invisible, il y a aussi tout ce travail d’action culturelle et d’intervention pédagogique « auprès des personnes âgées, handicapées, incarcérées, auprès des enfants. S’il y a des ateliers de théâtre ou de musique dans les écoles, c’est qu’il y a à côté des enseignants des artistes. Cette année, je suis allé dans sept lieux différents qui peuvent se situer à 50 kilomètres de chez moi. Tous ont des objectifs différents qui sont liés à des objectifs sociaux. Cela n’est pas comptabilisé dans le régime des intermittents mais dans le régime général ».

A cela s’ajoute la recherche de travail. « Je suis allé à un casting au Havre. C’est une journée et un billet de transport qui n’est pas pris en charge ». Pour décrocher un rôle, « on n’envoie pas de CV. Cela se fait lors de rencontres avec des metteurs en scène, avec des comédiens. Quand on est aussi metteur en scène, il faut repérer des acteurs, des techniciens ».

 

Il compte beaucoup. « Nous sommes des gestionnaires de notre droit au chômage ». Depuis la réforme de 2003, un intermittent du spectacle doit effectuer au minimum 507 heures de travail en dix mois et demi pour les artistes, en dix mois pour les techniciens pour bénéficier de 243 jours d’indemnisation. C’est presque un droit d’entrée. Comme il n’y a plus de date anniversaire, un intermittent peut demander sa réadmission avant l’épuisement de ses droits s’il justifie de ses 507 heures d’activité.

Thomas Rollin a obtenu son dernier renouvellement en mai 2014 après 680 heures. « J’ai participé à 13 formes artistiques différentes et travaillé avec cinq compagnies. C’est autant de contrats et de fiches de paie ».

 

Il cherche des parrains ou des marraines. « Notre métier n’est pas meilleur ou pire qu’un autre. Il est comme cela. Il est très flexible. Cela ferait rougir plus d’un patron. Oui, nous nous couchons tard. Non pas parce que nous faisons la fête. Et nous nous levons tôt aussi. Aujourd’hui, il faut expliquer ce que nous vivons, comment nous vivons notre métier, comment nous le rêvons ».

Thomas Rollin souhaite avoir des parrains ou des marraines pour « créer une relation avec cette personne. Elle suit mon travail. Je suis le sien. Nous ne vivons pas dans un milieu fermé. Il faut chercher une unité, une compréhension de l’un et de l’autre. C’est un mouvement des précaires, un mouvement de la France qui travaille et qui cherche du travail. Ces dernières années, on a trop opposé ceux qui avaient un emploi et ceux qui n’en avaient pas ».

 

  • Thomas Rollin joue dans Le Cabaret Boucher du 11 au 16 juillet à 21 heures à l’Aître Saint-Maclou à Rouen. Tarifs : 12 €, 7 €. Réservation au 02 32 08 13 90.
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