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Amala Dianor au Tangram : « Je ne suis jamais content de mes prestations »

photo Jef Rabillon

Il est une grande figure de la danse hip-hop en France. Issu de cette street culture, Amala Dianor s’est inventé un langage très personnel en mariant divers vocabulaires chorégraphiques. Il va du hip-hop à la danse contemporaine, du classique aux danses traditionnelles. Amala Dianor a toujours aimé relever les défis. Il a été le premier hip-hopeur à intégrer un centre national de danse contemporaine. Chaque projet est une rencontre unique, une exploration des énergies, une prouesse technique et une page de poésie. Le danseur et chorégraphe a une carte blanche mercredi 18 avril au Tangram à Evreux pendant le festival Dédale(s) pour présenter son solo, Man Rec, et un duo Extension. Entretien.

Vous souvenez-vous de ce que vous avez ressenti lorsque vous avez découvert le hip-hop ?

Oh ! Oui. C’est un moment particulier dans ma vie. J’avais 7 ans. Je venais d’arriver en France et j’ai vécu un réel contraste. Au Sénégal, c’était la liberté. J’avais l’autorisation de sortir tous les jours. En France, je me suis retrouvé dans un appartement dans le XIXe arrondissement de Paris. Et là, je n’avais pas le droit de sortir. Comme mes parents travaillaient je n’avais que la télévision comme activité. J’ai regardé le club Dorothée et l’émission de Sidney, H.I.P. H.O.P. j’ai découvert la danse à cette époque-là. J’ai surtout découvert qu’il n’y avait pas besoin de salle. On pouvait danser n’importe où, n’importe comment. La danse a alors été un moyen d’expressionpour pallier à cette frustration.

Est-ce facile de commencer à danser seul quand on est un enfant de 7 ans ?

C’est tout le paradoxe de l’artiste. Quand je danse, je parviens à me libérer de cette timidité. Pourtant, ce n’est pas anodin d’être sur scène. Il faut sacrément avoir un ego pour montrer un solo. Mais cela se justifie lorsque l’on est en pleine recherche sur le mouvement. Quand on enfant, on se fait vite des copains. Avec la culture hip-hop, on se retrouve dans une communauté qui te pousse vers le haut, qui t’incite à te dépasser et à donner le meilleur de toi-même. Le hip-hop a été aussi un élément d’intégration pour moi.

Est-ce que vous aviez vite compris cet esprit du hip-hop ?

Non, je l’ai compris longtemps après. Quand j’étais enfant, la danse était un défouler. J’avais une activité que je partageais avec mes copains. A un moment, il y a eu beaucoup de conflit dans la communauté hip-hop, de mésentente, de désaccords. J’ai ressenti le besoin de parler de l’esprit dans De(s)génération pour rappeler que le plus important est de se retrouver et de danse. Et ce quel que soit l’âge, quelle que soit la technique…

 

Est-ce que la notion de défi est encore toujours présente ?

Toujours. C’est grâce à elle que j’ai pu intégrer le centre national de danse contemporaine. J’avais envie de montrer que l’on pouvait être capable de plus et de mieux. Pourtant, la danse contemporaine était l’ennemi juré à cette période-là. Après, je me suis imposé ce défi de devenir chorégraphe.

Est-ce que vous êtes un insatisfait ?

C’est possible. Je ne suis jamais content de mes prestations. Mais chaque projet est une occasion de repartir à zéro alors que l’on s’est nourri de tellement choses précédemment. Il permet d’aller tester de nouveaux terrains, de nouveaux thèmes.

Jamais seul mais toujours des interprètes ?

Je donne à voir des individus tels qu’ils sont avec leur caractère, leur humeur… Il y a tellement d’interprètes qui s’effacent dans une chorégraphie. Avant de travailler avec un artiste je le vois danser et il m’inspire. Je l’inspire de sa matière. Pour une création, il y a toujours un travail de collaboration. J’arrive avec des idées, des envies. Puis, je tricote, je redéfinis mes envies avec les interprètes.

Comment définissez-vous votre approche du mouvement ?

Je me suis rendu compte d’un travail sur l’énergie du mouvement. Celle-ci donne la tonalité et le caractère au mouvement.

Quelle est votre prochaine exploration ?

Mon nouveau projet consiste à aller à la rencontre de la danse classique, à voir comment elle peut rencontrer le hip-hop.

  • Mercredi 18 avril à 20 heures au Cadran à Evreux. Réservation au 02 32 25 23 89 ou sur www.letangram.com
  • Rencontre avec Amala Dianor à l’issue de la représentation