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Concert au Grand-Quevilly : les recettes piquantes d’Amara

akimLe mot juste, le verbe incisif… Akim Amara ne badine pas avec les paroles. Il sélectionne, cisèle, malaxe, affine ses paroles tel un chef étoilé. Rencontre – presque – culinaire avec cette toque de la chanson rock avant le concert de son groupe Amara vendredi 12 juin pour le festival les Bakayades au parc des Provinces au Grand-Quevilly et dimanche 21 juin au Rêve de l’escalier à Rouen.

 

 

Vous avez mangé des Kollwurst et bu des bières Astra pendant quelques années – que gardez-vous de cette période hambourgeoise ?

En fait je buvais des Flensburger parce qu’il était de bon ton d’accrocher la capsule au perfecto dans le milieu rock. C’était la bière des noctambules !  J’étais à Hambourg entre 1985 et 1990 et j’y ai fait une partie de mon éducation musicale parce que ça foisonnait de groupes, de concerts et d’endroits cultes comme le Kaiserkeller où ont joué les Beatles. Tous les groupes anglo-saxons passaient par Hambourg , ce qui m’a permis de faire de nombreuses rencontres enrichissantes (Ian Mc Culloch de Echo and the Bunnymen, John Cale, Andrew Eldritch de Sisters of Mercy…) et de me mettre à la musique alors que je ne jouais d’aucun instrument.

 

Le poisson à la bordelaise est une spécialité de chez vous mais que pensez-vous des poissons californiens par exemple ?

Ils sont bien plus virulents et difficiles à attraper que la lamproie qu’on cuisine à la bordelaise. Ils sont surtout plus agréables à regarder même si je n’ai vu que leurs arètes (Le groupe Fishbone sur scène reste un de ses meilleurs souvenirs de concert, ndlr). J’avais déjà vu les prémices de ce genre musical avec les Beastie Boys en 1986. Ce type de musique où tout se mélangeait t’ouvrait à d’autres horizons, à d’autres styles et les barrières musicales s’écroulaient.

 

Etes-vous plutôt fish & chips à Guildford dans le Surrey ou BBQ à Benham au Texas ?

J’étais plutôt fish & chips parce que plus sensible aux groupes anglais (c’est un fan absolu des Stranglers, groupe originaire de Guilford, ndlr). C’était ma culture. J’aime aussi cette pop puissante comme la jouait les groupes de la brit pop dont Supergrass que j’adore. Mais avec le temps et l’apprentissage de la guitare, on s’aperçoit que tout vient de l’autre continent, du Texas, du Mississipi. J’ai découvert la musique d’écorché vif à travers l’écoute de ces vieux bluesmen, de Robert Johnson à Blind Willie Johnson.

 

On dit que grands Bordeaux et camemberts affinés ne font pas bon mariage. Pourquoi être venu chercher des musiciens à Rouen ?

Peut-être pour faire mon beurre (rires) ! J’ai  collaboré avec plein de musiciens à Bordeaux mais aussi avec des Rouennais en parallèle et il s’avère que le choix de chansons des uns et des autres est très différent. Les Normands apportent du punch, une base plus pêchue à mes chansons. C’est justement ce que je souhaitais d’où l’idée de venir à Rouen pour intégrer ce côté rock. Ici les guitaristes jouent avec des Vox et là-bas c’est sur Marshall (rires à nouveau).

 

 

 

Qu’évoquent pour vous les aliments suivants : huitres, chocolat, banane, gingembre, etc ?

(Moment de doute) Les huitres sont indissociables de mes nuits blanches parce que mangées au petit matin le lendemain.

 

Ce sont les aliments de l’amour… qui est souvent torturé dans vos chansons

Ah d’accord, je n’y étais pas !  Les drames sont plus intéressants à chanter que la comédie même si finalement les deux peuvent être drôles. Ce thème de l’amour qui n’est pas si récurrent que ça dans mes paroles est né d’une déception amoureuse. C’est d’ailleurs comme ça que le projet a commencé. C’était une façon d’extérioriser mes blessures et je trouve de toute façon indécent le fait de raconter le bonheur. Les Américains peuvent se permettre ça mais ici en France si tu fais dans la légèreté, tu es vite catalogué variété ou je ne sais quoi. Chez Dominique A ou Miossec, on entend cette urgence, cette mélancolie maladive mais ce sont de vraies déclarations d’amour quand même.

 

Vos chansons, c’est plutôt la froideur d’une coupe glacée, le piquant d’un chili, la noirceur d’un plat de spaghettis à l’encre de sèche ou le classique bœuf bourguignon ?

Un chili à l’encre de sèche. En fait, je préfère une écriture piquante qui va à l’essentiel et j’essaie de ne pas faire de plats en sauce. J’enlève les poncifs, la démagogie comme dans J’habite ici, une histoire d’indien qui perd ses terres. Je ne fais pas de déclaration politique. J’écris sur des sujets d’actualité mais je les traite différemment. En même temps, j’aimerais revenir à des sujets un peu plus légers afin de m’ouvrir davantage tout en conservant cet aspect piquant.

 

Etes-vous cuisine traditionnelle ou cuisine nouvelle ?

Je suis plutôt cuisine traditionnelle mais je compte sur les autres (ses musiciens, ndlr) pour sortir de ce champ et m’ouvrir sur des formes plus modernes voire sur de la cuisine moléculaire (rires). J’écoute des trucs actuels et constate avec surprise qu’ils sonnent très eighties. Etienne Daho doit être considéré comme un Dieu par ces gens-là. De même pour Depeche Mode qui a vraiment popularisé ce registre pop synthétique sans renier l’écriture.

 

Y aura-t-il un dessert surprise au prochain concert ?

J’aurais aimé mais c’est impossible. Je souhaitais la présence de Thomas Cramoisan de feu-Radiosofa pour le titre Les portes que j’avais écrit pour eux mais il est déjà booké ce soir-là. La véritable surprise sera : orage  ou non ?

 

Amara est un plat qui mijote longuement ou un en-cas qu’on réchauffe à l’occasion ?

D’abord c’est très copieux et ça a mis un temps fou à être cuisiné. Je dirais alors plat mijoté qui chauffe encore et encore. C’est toujours sur le feu.

 

Coté projets, êtes-vous du genre à cuisiner au jour le jour ou prévoir des menus à long terme ?

Ce serait menu à long terme mais déjà à la carte. J’ai écrit plusieurs chansons qui ne sont pas bouclées. Je n’y arrive pas parce que je n’ai pas encore trouvé le bon angle même si je suis persuadé qu’il s’agit de bonnes chansons. Toutefois, le prochain album est en préparation et j’aimerais essayer quelques nouvelles pistes à chercher dans les recoins de l’electro comme le font ici Aloha Orchestra, Nuit ou encore Nord dans un autre registre. Je compte aussi collaborer avec des gens comme Mr Lab qui pourrait m’apporter leur pate. Je travaille également sur un livre-disque autour de la bataille d’Arras qui a eu lieu en 1917 avec l’auteure Dorothée Piatek.

 

Qu’est ce qui te donne la banane en ce moment ?

Rouen. Depuis trois ans. Je suis là et me considère aujourd’hui comme un artiste local. Les gens sont dynamiques et il se passe un tas de choses d’un point de vue culturel dans cette région. Je rencontre des gens bienveillants ici et au Havre. C’est vraiment super.

 

Enfin, seule vraie question culinaire de cet entretien : Quelle est ta spécialité ?

Les lasagnes. J’ai mis à genou les musiciens de Julien Doré à 5 heures du matin après un concert avec mes lasagnes.

 

Propos recueillis par Bastien Cantillon

 

  • Vendredi 12 juin à 20h30 au théâtre de verdure, parc des Provinces au Grand-Quevilly. Première partie : K-Rumba
  • Dimanche 21 juin à 19 heures au Rêve de l’escalier à Rouen.
  • Concerts gratuits