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Amélie-lès-Crayons au Trianon transatlantique : « Je veux donner à voir, à entendre et à ressentir »

photo Suzie Guillermic

A chaque album, un spectacle, une aventure qui l’amène sur des chemins de traverse. Amélie-les-Crayons se réinvente à chaque projet musical. Avec Mille Ponts, un thème s’est imposé : la filiation. Un ton aussi : plus léger. Mille Ponts se veut être un spectacle joyeux, enlevé, chanté et dansé. A partager vendredi 17 novembre au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen. Entretien avec Amélie.

Pourquoi est-ce que ce thème de la filiation s’est révélé important pour vous ?

Parce que c’est de l’amour. Et l’amour, c’est toujours important. Cela fabrique de l’humanité. Je suis mère. L’amour maternel ou paternel est particulier. Il est impossible de savoir ce que c’est si on l’a pas vécu. C’est un amour absolu. A un moment, les créateurs ont besoin de l’exprimer. Je n’ai pas du tout conceptualisé cela. Je n’ai jamais d’idées de départ pour l’écriture d’un album. Je me rends de ce que cela signifie au final. En fait, je reste spectatrice. Quand j’écris, je n’essaie pas de maîtriser. L’album parle des liens entre les hommes, entre les êtres et la Terre, la nature. Les ponts se sont révélés évidents. D’autant plus dans la période que l’on vit en ce moment. On a plutôt tendance à s’enfermer sur soi-même, à refuser d’aller vers les autres. La société nous impose ce style de vie. Néanmoins, je ressens un élan de survie, la nécessité de recréer des liens, de se reconnecter à notre genre humain.

Vous écrivez cette fois avec un ton plus léger.

C’est peut-être lié à mon âge. C’est davantage en adéquation avec ce que je suis aujourd’hui. La légèreté est dans ma nature.

Le choix des percussions est-il réfléchi ? Elles pourraient rappeler les battements du cœur, donc la vie.

Les percussions sont arrivées par hasard. Quand j’ai commencé à écrire cet album, j’ai ressenti le besoin de marcher. Avec la marche arrivaient les mots et les mélodies. Mes pas ont rythmé cette écriture. D’ailleurs, j’ai enregistré le bruit de mes pas pour avoir le tempo de la marche. En même temps, je suis allée à une fest-noz en Bretagne. Là, j’ai éprouvé une chose très forte quand un musicien assis tapait avec ses pieds. J’ai trouvé cela très beau et j’ai eu envie d’exploiter cela sur scène. Ce rythme relie à la terre, à notre état d’animal.

Est-ce que vous éprouvez le besoin d’être liée à la terre ?

Oui et je pense que nous en avons tous besoin. C’est pour cette raison que la marche, la danse sont vitales. Cela permet de descendre notre centre de gravité, d’être plus stable. La marche et la danse sont certes efficaces mais il existe d’autres pratiques, comme la méditation. Le chant demande aussi un ancrage. On doit aller chercher au plus profond de nous-mêmes. Le spectacle parle aussi de cela et engage le spectateur personnellement.

Parfois les percussions, la danse peuvent amener à la transe.

Pour danser, il faut que les pieds soient ancrés dans le sol. Et il y a une énergie qui se dégage de cela. La transe nécessite aussi un ancrage. Sinon, il est possible de se perdre

Est-ce que ce spectacle vous permet d’avoir un rapport plus intime avec le public ?

Je viens du spectacle de rue. Je n’ai jamais envisagé les concerts comme des récitals de chansons. La chanson est un média, un prétexte pour être sur scène. Je veux donner à voir, à entendre et à ressentir. J’ai toujours eu une relation très forte avec le public. Je veux l’amener à des endroits. Comme si je lui prenais la main. C’est quelque chose d’assez intime.