« En Attendant Bojangles » : de la chanson au roman

L’Armitière à Rouen reçoit Olivier Bourdeaut mercredi 22 juin. Soudain, un inconnu signe un best-seller, En Attendant Bojangles, dans une petite maison d’édition… L’histoire est belle. Celle du roman l’est tout autant.

 

enattendantbojanglesC’est chez Finitude, honorable maison d’édition bordelaise, qu’Olivier Bourdeaut va trouver une oreille attentive. Etre publié. Déjà une revanche pour cet homme à la carrière professionnelle désespérante. Mais ce n’est qu’un début. Dès sa parution en début d’année, En Attendant Bojangles, sous la belle couverture de Valeriy Kachaev, va être satellisé par la critique et obtenir dans la foulée le grand prix littéraire Lire, le prix France Télévision, le prix Roman des étudiants décerné par Télérama et France Culture ainsi que le Prix de l’Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire. Une consécration qui va faire très vite des petits à l’étranger et les ventes ne cessent de grimper…

 

Le secret ? Un savant mélange sucré-salé, une histoire à la désinvolture tragique qui ravit autant qu’elle émeut. En attendant Bojangles, c’est d’abord une chanson interprétée par Nina Simone. « Maman me racontait souvent l’histoire de Mister Bojangles. Son histoire était comme sa musique : belle, dansante et mélancolique. C’est pour ça que mes parents aimaient les slows avec Monsieur Bojangles, c’était une musique pour les sentiments. » Bojangles, c’est une famille. La mère, le père, le fils et un élégant oiseau ramené de Numidie répondant au doux nom de Mademoiselle Superfétatoire.

 

Elle et lui dansent, redansent et dansent encore. Tout le temps. N’importe où. Pour ce couple solaire, la vie est un songe et les contraintes n’ont pas de prise. « Certainement pas, moi vivante, jamais vous ne retravaillerez ! Vous m’entendez ! Jamais ! (…) Je ne peux pas passer mes journées à vous attendre, je ne peux pas vivre sans vous. » Dans cette insouciance totale, ils se sont trouvés, l’un et l’autre, joyeusement excentriques. A moins qu’ils n’aient compris le sens de la vie.

 

Qui aurait pu comprendre d’ailleurs ? « Lorsque je racontais ce qui se passait à la maison, la maîtresse ne me croyait pas et les autres élèves non plus, alors je mentais à l’envers. » C’est le fils qui raconte, avec ses mots à lui, avec sa fraîcheur et la fausse candeur de l’auteur, espiègle. Quand le mari parle dans ses carnets intimes, il témoigne du bonheur du couple, de cette fusion qui fut immédiate dès leur rencontre, quand il l’enlève littéralement : « Roulez plus vite sinon vos mensonges vont nous rattraper ! hurlait-elle, debout, les bras levés dans l’automobile décapotée. » Mais le ton se fait plus grave quand le bonheur bascule. « Son comportement extravagant avait rempli toute ma vie, il était venu se nicher dans chaque recoin, il occupait tout le cadran de l’horloge, y dévorant chaque instant. Cette folie, je l’avais accueillie les bras ouverts, puis je les avais refermés pour la serrer très fort et m’en imprégner, mais je craignais qu’une telle folie douce ne soit pas éternelle. »

 

Or, imperceptiblement, le ciel va virer au gris. La folie douce cède le pas à la folie. Mais l’auteur ne cède pas, lui, au pathos. Dans cette descente, les époux gardent leur panache et leur dignité au terme d’une sarabande joliment orchestrée. Il y a toujours cette fraîcheur. Mais cette fois, il y a beaucoup de tristesse, aussi.

 

H.D.

 

  • Mercredi 22 juin à 18 heures à l’Armitière à Rouen. Entrée libre