/

Beyrouth selon Lara Saba

Les Regards sur le cinéma du monde s’ouvrent mardi 21 janvier à L’Omnia à Rouen. Dix jours de festival consacré à des œuvres évoquant tous les continents avec, aux programmes, des longs et courts métrages, des documentaires. En tout presque cent films projetés en Haute-Normandie. C’est Lara Saba, réalisatrice libanaise, qui lance le festival avec Blind Intersections, un film où des personnages issus de milieux différents, avancent dans des vies plus ou moins cabossées.

 

 

Quel Liban avez-vous souhaité montrer ?

Plus que le Liban, c’est Beyrouth que j’ai essayé de montrer dans ce film. Et c’est mon Beyrouth que j’ai voulu transmettre, la ville que j’ai découverte quand, à l’âge de 17 ans, j’ai quitté le cocon familial pour commencer mes études universitaires. La ville que j’ai sondée, compulsée, jour après jour, en marchant dans ses rues, les explorant une à une avec un voyeurisme candide. La ville à laquelle j’ai permis de m’éplucher, de me feuilleter la laissant me cerner pour mieux discerner, mieux me comprendre et appréhender la vie… J’ai essayé de montrer la ville telle qu’on la voit quand on en fait partie quand on s’est laissé confondre avec ses pierres, ses gens, ses histoires, ses légendes, ses misères… Beyrouth comme toute grande ville, nous entraine, nous bouscule, nous brasse au gré des flots et nous fait vivre les aventures les plus folles mais aussi les néants les plus profonds…

 

Vous présentez des destins différents, est-ce que le Liban est un pays de contradictions ?

Cela va sans dire ! C’est le pays de toutes les contradictions, mais tout comme le monde et toutes les grandes villes du monde actuellement, sauf que le Liban a été précurseur dans les différences et les divergences mortelles…  Et chez nous les différences et les inégalités ne viennent pas d’ailleurs, elles font partie du tissu social/géographique/historique de ce peuple. Une multitude de dissemblances fait la richesse mais aussi la calamité du Liban. Une hétérogénéité sociale, culturelle, religieuse, etc. qui souvent brouille les pistes et rend les conflits inévitables mais aussi incompréhensibles…

 

Vous pointez des souffrances. Comment pouvez-vous les expliquer ?

Quand on a envie de faire un film c’est qu’on est en désaccord profond avec le monde. Je parle du besoin profond et viscéral de faire des films, bien sûr… Et chez moi, chacun est occupé à construire une vie ici ou ailleurs, croyant pouvoir s’en sortir tout seul, laissant des gens crever au bord de la route. Or on ne peut pas s’en sortir chacun de son coté et il faut peut-être s’occuper à construire une société qui tient avec un minimum de cohésion, de compréhension, de reconnaissance de l’autre… Aucun mur ne peut protéger les plus nantis. Le monde l’a terriblement découvert dans l’effondrement des deux tours jumelles. Il faut casser le cercle vicieux des souffrances et le seul moyen c’est la conscience et l’amour, la compassion.

 

Y a-t-il de la nostalgie dans ce film ?

Je pense que le cinéma est intrinsèquement nostalgique… Nostalgie de ce qui s’est passé, de ce qui aurait pu se passer, de ce qu’on aurait aimé qu’il se passe… Même la peur est nostalgie ! L’acte de capter un moment sur un support soit-il argentique ou numérique est par définition nostalgique.

 

Quelles difficultés avez-vous rencontré lors de votre travail ?

Je ne saurais vous dire. Il y a eu des difficultés bien sûr, mais la seule qui reste frustrante c’est le manque de moyens de diffusion. D’où l’importance des festivals comme Regards sur le cinéma du monde…

 

 

 

  • Mardi 21 janvier à 20h30 à L’Omnia à Rouen. Débat à l’issue de la projection avec la réalisatrice Lara Saba.
  • Festival Regards sur le cinéma du monde : programme complet