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Camille Schnoor à l’Opéra de Rouen Normandie : « Puccini, c’est pour ma voix »

Itinéraire d’une jeune femme désorientée… C’est le sous-titre du Butterfly, l’opéra de Puccini mis en scène par le tandem Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil. Camille Schnoor joue à merveille ce rôle d’une Cio-Cio-San complètement perdue dans une terrible histoire d’amour. Elle est juste autant à l’écran quand elle erre dans les rues et le port de Rouen que sur scène dans son appartement. Là, elle reste la seule à croire encore au retour de cet homme dont elle est éperdument amoureuse. La jeune soprano peut être d’une douce naïveté et pétrie de douleur. Butterfly est à l’affiche de l’Opéra de Rouen Normandie jusqu’au 7 octobre. Entretien avec la chanteuse, en troupe au Staatstheater am Gärtnerplatz à Munich.

Butterfly a été créé en mars 2018 à l’Opéra de Limoges. Vous reprenez le rôle six mois plus tard. Comment a-t-il mûri ?

J’ai souvent repensé au rôle. Je savais que je devais me remettre dedans. Entre les deux productions, j’ai chanté du Mozart, ce qui est très loin de Puccini. Je me suis remise vocalement dans Butterfly il y a quatre semaines. Des choses ont en effet bougé dans ma tête. En reprenant le rôle, je me suis aperçue qu’il fallait faire émerger certains aspects de façon plus forte, aller plus dans la folie. Ce qui est déjà plus développé dans cette mise en scène. Cio-Cio-San devient quand même folle. On lui prend son amour et son enfant. Et elle en perd la raison. J’ai voulu suivre ce destin tragique et concentrer mon énergie sur ce point.

Y a-t-il d’autres aspects que vous avez souhaité développer ?

Jusqu’au deuxième acte, Cio-Cio-San entre dans une vie magnifique. Il faut jouer à fond ce bonheur. Après, tout se resserre sur elle. On entre dans son monde. Il y a alors quelque chose d’hypnotisant. La musique découle de ses sentiments.

Est-ce un rôle difficile ?

C’est un des rôles du répertoire les plus difficiles. C’est le plus dramatique. La difficulté de ce rôle naît des émotions. Ce personnage connaît une histoire horrible. C’est aussi un rôle très long. Durant le spectacle, on n’a pas vraiment de temps de faire une pause. Cela a néanmoins un avantage. Quand on fait une pause, il est parfois difficile de gérer l’énergie. Là, on est happé par la musique d’une telle beauté. Je ne ressens pas la fatigue du rôle. Quand j’y suis, j’y suis. Je suis concentrée pour être au service d’une partition.

Est-ce que Cio-Cio-San devient une adulte ?

Elle prend un peu d’assurance et n’hésite pas à renvoyer Goro et Yamadori. Je pense qu’elle a mûri mais elle ne devient pas adulte. Elle vit dans la négation d’elle-même, dans un monde qu’elle se fabrique. Elle vit pour Pinkerton et n’envisage pas un seul moment qu’il ne revienne pas. Soit il revient, soit elle meurt.

photo Christian Palm

Elle a une personnalité complexe.

Oui, c’est un personnage très complexe. Ce qui est fascinant. C’est pour cette raison qu’on les aime. Elle reste difficile à cerner et terriblement crédible. On y croit absolument. À chaque représentation, je découvre des choses nouvelles.

Vous jouez à trois mètres du sol. Est-ce que vous avez le vertige ?

Au début, c’était difficile. Il a fallu s’habituer. Le public ne le voit pas mais la boîte bouge. On est comme sur un bateau. On avait un peu le mal de mer. Aujourd’hui tout fonctionne bien. Même si on ne voit pas toujours le chef. On compose avec le lien qui s’établit. On s’écoute.

Était-ce pour vous un autre rôle au moment du tournage du film ?

Non, ce n’est pas un autre rôle. C’est la même fille que le joue. Elle éprouve les mêmes sentiments, cherche son amour dans la ville et écoute Madame Butterfly en boucle. Dans cette production, nous avons commencé par le film et cela m’a beaucoup aidé à entrer dans le personnage, à approfondir la densité de la véracité de cette femme.

Quel est votre prochain rôle ?

Je rejoue Donc Elvira (Don Giovanni, ndlr). En février 2019, je fais mes débuts dans La Bohème. Encore Puccini ! Puccini, c’est pour ma voix. Comme s’il avait écrit pour moi. C’est agréable, comme sentiment. Il compose une musique qui me remplit émotionnellement et vocalement

 

Infos pratiques

  • Mardi 2 et vendredi 5 octobre à 20 heures, dimanche 7 octobre à 16 heures au Théâtre des Arts.
  • Tarifs : de 68 à 10 €.
  • Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr