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Claire Diterzi : « Je suis une hérétique de premier choix »

photo Alexandra Delamine
photo Alexandra Delamine

Claire Diterzi est seule sur scène pour partager son univers très personnel et rock’n roll. Juste sa voix, souple et limpide, et son ukulélé. Je garde le chien qu’elle joue mardi 2 octobre au Passage à Fécamp est inspiré du journal tenu lors de l’écriture de son album, 69 Battements par minutes, et des textes de Rodrigo Garcia. Se plonger dans de tels textes permet à cette artiste pétillante d’aborder la place des femmes dans l’art, les difficultés à créer. Avec humour et beaucoup d’autodérision. Entretien avec Claire Diterzi.

Qu’est-ce que vous a amené à ouvrir à nouveau votre journal de création de 69 Battements par minute ?

Rentrer dans la gestation d’une création, c’est entrer dans le pourquoi du comment de la forme artistique. Pourquoi fait-on les choses ? C’est très important de se poser cette question. Comme celle-ci aussi : qu’est-ce qu’une chanteuse aujourd’hui dans un système privé ? J’ai collaboré avec des metteurs en scène, des chorégraphes, des cinéastes, on ne leur demande pas la même chose. Ils ont des structures qui sont subventionnées. La chanson, elle, doit rester dans un monde de rentabilité. Il faut vendre des billets et des disques. C’est pour cette raison que j’ai créé ma compagnie.

Aviez-vous l’impression d’avoir perdu une partie de votre liberté ? 

Je me suis rendu compte qu’à un moment je ne pouvais plus avancer. La chanson doit être ce truc à la mode et éphémère alors que les compagnies de théâtre et de danse peuvent s’inscrire dans la durée. Pourtant la chanson a un fort potentiel.

Lequel ?

Elle a un format idéal avec un texte et une mélodie. Elle peut aussi faire passer des messages forts. Une chanson, c’est un slogan, un hymne. Le problème : c’est tout ce qu’il y a autour. On se sert de la chanson pour endormir les foules.

Vous évoquez aussi la place de la place. Qu’est-ce qui vous met en colère ?

Au-delà de ces questions : qu’est-ce qu’une chanson, une chanteuse voire chanter. Je m’interroge sur ce qu’est une femme. Plus je vieillis, plus je perds mon pouvoir de séduction. Il n’y a pas d’aigreur dans cela. Aujourd’hui, on donne la place aux chanteuses jeunes à la mode. Et les autres, pleines de talent qui crèvent la dalle ? On s’exile ? Je suis une femme en marge qui dérange et qu’on a envie de cramer. Quand on est jeune, on ne perçoit pas cela. Tout est sucre et bouquet de fleurs. Pourtant, l’expérience, la maturité, c’est génial. Sauf pour une femme. Surtout une femme qui chante. Parce que la chanson, c’est un pouvoir. La voix, c’est un pouvoir. Je suis une hérétique de premier choix.

Et l’amour ?

L’amour et le sexe. J’ai des problèmes avec mon sexe. Je viens du rock. Je joue de la guitare électrique… C’est un statut qui génère des conflits, des incompréhensions. Le spectacle parle aussi de cette question de la masculinité.

Pourquoi les textes de Rodrigo Garcia ont été une révélation pour vous ?

Je l’ai découvert au théâtre. Quand j’ai entendu ce texte, j’étais subjuguée. Je me suis pris une tarte. Ce fut un coup de foudre. J’aime la frontalité de l’écriture. C’est très cru. C’est un punk.

 

Infos pratiques

  • Mardi 2 octobre à 20h30 au Passage à Fécamp.
  • Tarifs : 8 €. Réservation au 02 35 29 22 81 ou sur www.theatrelepassage.fr
  • Rencontre avec l’artiste à l’issue de la représentation