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Concert au Trianon : les voyages intérieurs de Radio Elvis

photo Nicolas Despis
photo Nicolas Despis
photo Nicolas Despis

Les chansons sont des voyages intérieurs, des sentiments intimes. Le tout évoqué avec beaucoup de pudeur et d’émotions. Et aussi dans des atmosphères changeantes. Les Conquêtes, titre du premier album de Radio Elvis sorti le 1er avril, est le joli fruit plein de saveur d’un travail de trois ans effectué par Pierre Guénard, auteur, chanteur, Colin Russeil, batteur, clavier, et Manu Ralambo, guitariste. Le trio est en tournée et joue mardi 3 mai au Trianon transatlantique. Interview avec Pierre Guénard.

 

Est-ce que la musique est une conquête ?

Tout ce qui entoure la musique, que ce soit les partenaires financiers, le public… c’est forcément une conquête. En ce qui concerne la musique, je dirais plutôt une chasse. J’aime quand les chansons sont des moments sauvages noyés dans les limbes de l’inconnu. Ecrire, c’est être la chasse des instants qui sont des accidents volontaires. Il faut alors les capturer.

 

Faut-il provoquer ces moments ?

Ils viennent naturellement. Il faut apprendre à reconnaître ces moments, ces sensations. Quand on est mélancolique, c’est propice à l’écriture.

 

Percevez-vous désormais ces moments ?

Ça commence. Mais c’est très particulier, l’écriture. J’ai toujours peur de n’avoir plus rien à dire. En fait, l’angoisse de la page blanche existe bien. C’est néanmoins une peur amnésique parce que, à chaque fois, l’inspiration revient. On n’en tire aucune leçon même si j’ai beau essayé d’apprendre à saisir ce moment, à me mettre en condition. Quelque part tant mieux puisque cela crée de l’urgence. Et il faut qu’il y ait de l’urgence. Sinon, ce ne serait pas intéressant. Il faut rester dans l’instant, dans l’instantané. Ne pas trop réfléchir.

 

 

 

Jouer avec la langue, c’est la faire sonner ?

Oui et c’est pareil pour la musique. Le son appelle le mot. Et le mot appelle le son. Le sens arrive à la fin. J’aime ça parce que la chanson évoque quelque chose à la première lecture, puis autre chose à la deuxième. Elle doit être vivante. Je suis davantage dans l’évocation que dans la narration.

 

Donc un mot en appelle un autre ?

C’est ça pour créer un rythme. J’adore la poésie d’Allen Ginsberg. Il fait rythmer les mots et a beaucoup influencé mon écriture. Je travaille plus le son que le sens. Je cherche des punch lines, des images.

 

Est-ce aussi l’influence du slam que vous avez pratiqué ?

Pas tellement. Le slam m’a servi à comprendre ce que je ne voulais pas faire, à être à l’aise sur scène. En fait, c’est la musique qui a modelé mon écriture. J’écris des chansons que j’ai envie d’entendre.

 

Vous écrivez beaucoup sur le voyage. Était-ce une envie aussi ?

Non, cela n’a été tellement conscient. Je me suis rendu compte de cela au bout de cinq ou six chansons. Je me suis dit : j’ai un problème avec ça. J’ai séjourné sur l’île de Groix, face à Lorient et j’ai compris beaucoup de choses là-bas. D’où l’importance du champ lexical de la mer dans les chansons.

 

Vous parlez aussi beaucoup du désert.

Pour moi, la mer est un désert liquide. Elle a une puissance métaphorique. Cela m’a permis de dessiner une cartographie de l’intime. Peut-être avec un peu trop de pudeur. Mais cela rend les textes universels.

 

Est-il difficile d’écrire « je » ?

Pour moi, ce n’est pas très intéressant. Cependant, le tu, c’est je. C’est une sorte de schizophrénie. Cela me permet de me juger, de me distancier pour dire des choses de manière plus sévère et plus honnête sur moi-même.