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« Così fan Tutte » à l’Opéra : « Les femmes sont les maîtresses du jeu »

photo David Morganti
photo David Morganti
photo David Morganti

C’est le premier rendez-vous lyrique de la saison. Frédéric Roels met en scène Così fan Tutte. Après Don Giovanni, le directeur de l’Opéra de Rouen Normandie revient à Mozart. La création a lieu vendredi 30 septembre au Théâtre des Arts à Rouen. Suivront quatre représentations jusqu’au 8 octobre. Entretien avec Frédéric Roels.

 

Vous avez mis en scène Carmen, La Damnation de Faust, les Contes d’Hoffmann, Don Giovanni et aujourd’hui Così fan Tutte… Y a-t-il une suite logique ?

Non, il n’y a pas de suite logique. Ce sont des coups de cœur pour des œuvres qui ont en commun une forte théâtralité. Elles appartiennent à des genres et des époques différentes. Il y a néanmoins une logique pour Don Giovanni et Così fan Tutte. Ce sont deux œuvres de Mozart proches dans le temps mais construites de deux manières dans la dramaturgie.

 

Qu’est-ce qui différencie Don Giovanni et Così fan Tutte ?

Così fan Tutte est un opéra dans l’opéra. La forme musicale et le livret sont les plus maîtrisés et les plus composés chez Mozart et Da Ponte. Il y a une vraie rigueur d’écriture. Il n’y a pas une note et pas un mot écrits au hasard. Don Giovanni emmène l’auditeur dans un parcours labyrinthique. Mozart dépasse les codes, les barrières.

 

Dans Così fan Tutte, ce sont les femmes qui mènent la danse ?

Clairement, elles sont les maîtresses du jeu, des rouages de l’histoire. Elles sont très présentes dans l’œuvre et ont un degré de conscience plus fort.

 

Où avez-vous imaginé ces femmes ?

Elles évoluent dans un monde hyper bourgeois, plutôt contemporain, avec ses traditions, ses codes, des éléments de langage… C’est le fruit d’un siècle d’histoire, d’une aristocratie qui se poursuit. Ces deux jeunes femmes suffoquent d’être dans le même cercle. Elles se laissent embarquer dans une expérience, au départ, plutôt festive.

 

Est-ce un acte de femmes désespérées ?

Non, c’est le besoin de vivre une expérience, de sortir des normes qui les ont cadenassées. Elles sont fiancées à des garçons de leur âge. Leur vie est tracée par leurs parents. Avant d’être liées par le mariage, elles veulent vivre un moment de liberté, sans tabou. Elles sont conscientes de leur capacité à effectuer des choix. Elles vont alors choisir de croiser les couples. Pour Dorabella et Guglielmo, c’est juste une expérience sexuelle pendant une nuit. Fiordiligi et Ferrando sont ébranlés par ce qui s’est passé. Pour eux, plus rien ne sera comme avant. La fin de l’opéra pose une grande question parce que le livret ne dit pas que les couples vont se reformer. Il dit seulement que les couples vont se réconcilier. Il laisse en fait une part d’ombre.

 

Comment avez-vous dirigé les chanteurs qui sont dans un jeu ?

Così fan Tutte  est une œuvre qui demande une finesse de jeu, qui est pleine de subtilité. Dans cette œuvre, on fait semblant de jouer un personnage et on n’est pas dupe de jouer. Chacun en est conscient.

 

Comment la musique accompagne ce jeu ?

La musique a un rôle didactique. A certains moments, elle suit l’action, à d’autres, elle dit le contraire. Il fait alors se positionner, choisir. Donner la préférence au texte ou à la musique ou encore être dans une tierce voie.

 

Est-ce que le décor de Così fan Tutte est aussi imposant que celui de Don Giovanni ?

Il est plus sobre visuellement. Dans Don Giovanni, je voulais un décor baroque qui ne permettait pas de situer l’action dans le temps. Pour Così fan Tutte, on est dans un intérieur, dans un grand salon d’une riche villa où tout est blanc.

 

  • Vendredi 30 septembre à 20 heures, dimanche 2 octobre à 16 heures, mardi 4 octobre à 20 heures, jeudi 6 octobre à 20 heures, samedi 8 octobre à 20 heures au Théâtre des Arts à Rouen. Tarifs : de 68 à 10 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 98 74 78 ou sur www.operaderouen.fr

 

La pièce

Così fan Tutte  est un opéra buffa en deux actes, créé au Burgtheater de Vienne le 26 janvier 1790, fruit d’une nouvelle collaborataion entre Mozart et Da Ponte. L’histoire commence dans un bar de Naples. Deux officiers, appelés au service actif, Ferrando et Guglielmo discutent avec Don Alfonso. Le vieil homme leur annonce que leur fiancée est infidèle. Avant le départ, les deux jeunes hommes viennent dire au revoir à leur amoureuse, Fiordiligi et Dorabella. Pour leur amour, ils se laissent emmener dans un plan diabolique de Don Alfonso, aidé par la bonne Despina. Ferrando et Guglielmo se déguisent en Albanais et tentent de séduire les deux sœurs qui vont succomber. A la fin, les deux garçons retrouveront leur vêtement de soldat et obligeront les deux femmes à avouer leur écart.