« Je crois en la vie »

Alain Cavalier2 bisAlain Cavalier a toujours eu une approche très personnelle du cinéma. Le Paradis n’est pas un film mais une traversée. Une simple et belle traversée intérieure dans une pensée. Alain Cavalier raconte avec une voix empreinte de sagesse la vie, la mort, l’amour, la foi, le temps, la beauté. Tout commence par les premiers pas d’un petit paon qui va disparaître. Il y a une mort mais la renaissance est proche. A partir de là, le cinéaste montre que la vie est un cadeau. Le Paradis est une œuvre déroutante qui interroge. Alain Cavalier était à l’Omnia à Rouen.

 

Pourquoi avez-vous choisi la Haute-Normandie pour tourner ce film ?

Je n’ai pas choisi la Normandie. C’est elle qui m’a choisi. Depuis 15 ans, je loue des chambres d’hôtes entre Bernay et Pont-Audemer. Le film a été tourné à Lieurey. Je suis aussi venu tourner René, cet homme qui perdait 30 kilos pour plaire à sa dame. Joël Lefrançois (du Théâtre des Trois Gros, installée dans l’Eure ndlr) qui joue René était déjà le jeune médecin dans Thérèse en 1986. Ce sont des rencontres avec les gens. Donc, je connais les Normands. Pour eux, un centime est un centime. Je te prête une chose, puis tu me la rends. C’est très strict. Avec les sentiments, c’est la même chose. Si je te fais une fleur, il me faut le retour. Tout est comptabilisé et précis, sans être dit.

 

Pour Le Paradis, il y a eu la rencontre avec le paon.

Je n’avais pas de projet, pas de scénario. J’attendais que la vie me propose un film. Il y a eu ce petit paon qui boitillait. Je ne savais pas s’il était malade ou s’il apprenait à marcher. En fait, il était malade et est mort devant la caméra dans la main. On lui a construit un semblant de tombeau avec un silex. Je me suis rendu compte que j’étais en train de faire un film qui m’emmenait dans des paysages différents, dans mon enfance, autour de mon enfance.

 

Le film se trouve entre rêve et réalité, entre l’enfance et la mort.

Oui, on est entre les deux. C’est un va et vient entre ce que l’on apprend, les images et les légendes. J’arrive à un âge où je me demande ce que j’ai fait de ma vie, ce que je retiens de l’histoire du Christ, d’Ulysse. Où est-ce que j’en suis ? Je suis très content de tout ça, de filmer tout ça. La vie est agréable, quel que soit l’âge.

 

Vous le dites à la fin du film : tout est bien.

Oui, tout est bien. Je suis enchanté par la vie. J’aime filmer ce qui m’a enchanté. Quand je peux transmettre, C’est encore meilleur.

 

Vous citez beaucoup la Bible. Que retenez-vous aujourd’hui de votre éducation religieuse ?

C’est un stock d’émotions et d’images. J’étais dans un pensionnat religieux. Quand on vous raconte que le Christ a marché sur l’eau ou qu’Ulysse a échappé au cyclope, vous êtes complètement dedans. Comme les enfants qui vont au cinéma aujourd’hui, qui suivent les aventures de héros. Nous, ce n’était pas des films mais des textes. Alors les images, on se les fabriquait dans notre tête. C’est plus marrant et ça reste plus longtemps. Tout cela est imprimé dans ma mémoire.

 

Nous sommes alors tous des cinéastes.

Oui, tout le monde est cinéaste. Si vous pensez à votre enfance, des images viennent en tête. Ce sont des images de cinéaste. Quand un homme a un rendez-vous avec une femme, il se projette. Donc, il est cinéaste. Souvent, on dit : tu te fais un film. C’est péjoratif mais ce sont des images idéales, des désirs, des envies.

 

Etes-vous toujours croyant ?

J’avais la foi quand j’étais enfant. Après, les choses ont changé. Je ne crois pas en un dieu tout puissant qui a tout inventé. Je crois en la vie.

 

Dans Le Paradis transparaît une certaine sagesse. Etes-vous un homme sage ?

Il vaut mieux offrir du miel, même s’il est costaud, plutôt que de l’acide. Je n’ai plus 20 ans et je ne vais crier sur le monde. Je préfère célébrer ce qu’est le bien.