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Emily Loizeau au Rive gauche : « le sort des exilés m’obsède »

photo Micky Clément
photo Micky Clément

C’était une création théâtrale avant de devenir un album. Emily Loizeau a donné à Mona une forme de concert. Mona, c’est l’histoire d’une jeune femme qui donne naissance à une fillette déjà vieille pétrie de douleur. La chanteuse, multi instrumentiste, écrit un récit troublant puisé dans un épisode familial où se mêlent mélancolie, désillusions, émotion et poésie. Emilie Loizeau chante jeudi 22 mars au Rive gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray. Entretien.

Qu’est-ce qui vous a amené à changer votre démarche artistique ?

La démarche a été volontairement différente. J’ai eu envie de travailler à la source de l’inspiration à la suite de mon travail pour le cinéma. J’ai aimé avoir un cadre narratif. Cela m’a ramené au théâtre où j’ai commencé. Servir une pièce m’intéresse. Je ne voulais plus être dans la série de chansons pour un album mais être dans un conte. Lorsque l’on est dans un cadre, l’inspiration est différente et l’écriture se densifie. Plutôt que d’attendre l’auteur, la rencontre magique, j’ai eu envie de m’essayer à cet exercice. Il en est ressorti une nouvelle, puis une pièce de théâtre. J’ai ensuite écrit la bande originale, comme celle d’un film.

Comment ce travail va nourrir votre écriture future ?

Toutes les rencontres, ce travail-là, comme celui sur Lou Reed nourrissent cette envie de continuer. Je ne sais pas si ce sera une pièce de théâtre à chaque fois. Je préfère désormais être sur des chemins de traverse, créer des objets hybrides pour me surprendre. Je pense que je vais continuer à composer des albums. Mais cela ne sera plus un but en soi parce qu’il ne faut pas se répéter. Ce schéma ne me suffit plus : écrire, enregistrer et tourner. Je viens du théâtre, de l’image. J’ai besoin de me nourrir de tous ces autres langages.

Vous avez besoin d’une narration ?

Oui, tout à fait. J’ai envie de composer à partir d’une narration, de la servir. Je veux m’autoriser des silences. C’est quelque chose de passionnant.

Pourquoi ?

Avec une telle démarche, on peut aller au cœur d’un sujet. On peut faire vivre les chansons sur scène en créant un spectacle. Tout ce travail sur Mona m’a donné une autre énergie pour le concert qui est différent de la pièce. C’est d’ailleurs même plus qu’un concert, c’est un autre spectacle dans lequel le corps et l’image sont plus investis chez moi.

 

Avez-vous toujours un désir de théâtre ?

Je continue toujours de cultiver cela. Je relis des pièces.

Vous avez aussi écrit la bande originale du film, Les Enfants de la jungle, sur les mineurs isolés.

Cette proposition est arrivée au pire moment. Je devais refuser tout nouveau projet parce que j’étais débordée avec la création de Mona. Or, pour moi, il a été impossible de dire non. Il fallait que je trouve du temps. Le sort des exilés, des réfugiés me concerne, m’obsède. Comme les enjeux écologiques. Ce sont des sujets primordiaux, urgents. Ça me rend dingue. Leur force, leur histoire, leurs désirs, leurs rêves m’ont portée pour être à la hauteur. J’ai écrit les musiques. Puis nous nous sommes enfermés dans un studio pendant trois jours. Tout a été créé dans l’urgence et nous sommes fiers de ce travail.

Pourquoi ce sujet d’actualité vous obsède ?

C’est dans mon ADN. J’ai été élevée avec une forte conscience et une considération des autres, de ceux qui sont en difficulté. Mes parents ont toujours ouvert leur porte à toutes les personnes qui avaient besoin de soutien. J’ai visite avec mon père les sans-papiers. J’ai grandi avec cela. Après avoir vu toutes ces images, il m’était impossible de ne pas agir. Si nos gouvernements ne le sont pas, la société est prête à accueillir ces personnes. Elle se sent heurtée par les décisions des pouvoirs publics. Beaucoup de personnes donnent l’exemple aujourd’hui. Il y a une fossé qui se creuse entre elles et les politiques. Il ne faut pas oublier que ces enfants isolés, maltraités sont les adultes en colère de demain.

  • Jeudi 22 mars à 20h30 au Rive gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray. Tarifs : de 20 à 10 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 91 94 94.
  • Première partie : Lili Ster