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Erik Orsenna à la Galerne

photo Bernard Matussière
photo Bernard Matussière

C’est le retour de Madame Bâ, une ancienne institutrice malienne installée en France, une femme avec un caractère bien trempé qui n’a peur de rien et ne se laisse surtout pas marcher sur les pieds. Dix ans après Madame Bâ, Erik Orsenna, membre de l’Académie française, retrouve ce personnage haut en couleurs dans Mali, ô Mali. Dans ce nouveau roman, l’auteur évoque les ravages du djihadisme, les violences faites aux femmes, les conditions de vie des réfugiés, les trafics illégaux… Erik Orsenna parle lundi 24 mars à La Galerne au Havre de cette aventure qui plonge dans la réalité du Mali.

 

Le titre de votre livre Mali, ô Mali peut être aussi le titre d’une chanson. Pourquoi ce choix ?

Oui, ce peut être en effet le titre d’une chanson. Cela rappelle Dimanche à Bamako d’Amadou et Mariam. La musique est très présente dans ce livre.  J’ai une grande passion pour la musique malienne. J’adore Ali Farka Touré, ce grand bluesman. Ce qui tisse ce pays, c’est le fleuve et la musique. Il y a des rythmes qui sont apparus bien avant nous et perdureront bien après nous. Comme les arbres, le mouvement de la mer…

 

Avez-vous écrit ce livre pour retrouver Madame Bâ ou pour évoquer les événements politiques au Mali ?

Quand j’ai commencé à écrire ce livre, les événements politiques n’avaient pas encore commencé. Je les pressentais. J’avais envie de retrouver Madame Bâ et de comprendre ce qui ce passait dans ce pays.

 

La fiction peut donc aider à comprendre la réalité.

Exactement, c’est la définition du roman par Aragon, le Mentir-vrai. Dans un roman, on ment mais on peut dire beaucoup plus de choses. Aujourd’hui, j’attends un vrai roman sur l’Ukraine. Je ne comprends rien. Cent Ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez explique l’histoire latino-américaine. On comprend mieux les Etats-Unis avec Philip Roth. Les grands romanciers expliquent le monde et les personnages comprennent pour nous.

 

C’est une sacrée bonne femme, Madame Bâ.

Oui, une sacrée bonne femme ! C’est marrant de se mettre à sa place. J’adore cette femme même si elle peut être prétentieuse, elle a beaucoup de défauts. Mais elle est libre, a une vitalité incroyable et une vaillance invraisemblable.

 

Pourquoi est-ce son petit-fils qui raconte son histoire ?

J’ai longtemps hésité. Comme Madame Bâ est dans l’action, je trouvais beaucoup mieux que ce soit son petit-fils qui raconte. Nous sommes dans la grande tradition des relations entre le maître et le valet. C’est Sancho Panza qui raconte Don Quichotte et qui se moque de lui.

 

Est-ce aussi parce qu’il est le griot ?

Oui, bien sûr. Le griot est celui qui raconte les histoires. J’ai une passion pour les histoires. Je ronronne comme un chat lorsque l’on me raconte des histoires.

 

Ce roman compte beaucoup de femmes et Madame Bâ se bat pour les femmes maliennes.

Ce sont les femmes africaines qui ont une telle vaillance. Elles sont impressionnantes en France, elles le sont beaucoup au Mali. Elles travaillent de l’aube jusqu’à tard dans la nuit.

 

Dans le roman, vous faites pourtant dire à un membre de sa famille que Madame Bâ n’est pas « une vraie femme ».

Elle n’est pas dans la tradition. Là-bas, les femmes doivent respecter la tradition. C’est une femme seule, ambitieuse. Au Mali, être seul, c’est pire qu’être mort.

 

Est-ce que Madame Bâ reviendra dans un prochain roman ?

Oui, je le veux. J’ai deux projets. Le premier au Zaïre pour parler des guerres des matières premières. C’est terrifiant. Madame Bâ va peut être revenir en France pour apporter un éclairage sur notre pays et nous dire que nous sommes tombés sur la tête.

 

  • Rencontre avec Erik Orsenna lundi 24 mars à 18 heures à La Galerne au Havre. Entrée libre.
  • Mali, ô Mali, Stock, 416 pages