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« Le Faiseur » par Robin Renucci : « Mercadet, c’est Madoff »

photo E. Facon
photo E. Facon
photo E. Facon

Mercadet a été un homme d’affaires très brillant. Il a gagné beaucoup d’argent. Il en a aussi beaucoup perdu. Tant que ses créanciers deviennent de plus en plus menaçants. La spéculation est un jeu dangereux. Peu importe pour Mercadet, un bourgeois parisien sans scrupules, qui compte bien sur le mariage de sa fille, pas très jolie, pour combler ses dettes. C’est l’histoire du Faiseur, un texte d’Honoré de Balzac (1799-1850) que met en scène Robin Renucci pour Les Tréteaux de France. Cette comédie très grinçante est présentée mardi 18 octobre au Rive gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray. Entretien avec Robin Renucci.

 

Quel bilan dressez-vous de votre premier mandat à la tête des Tréteaux de France ?

Ce fut une belle découverte. J’ai appris à connaître l’équipe que m’a confiée Marcel Maréchal et avec laquelle j’ai construit une thématique, l’emprise individuelle et collective. Nous avons beaucoup joué, rencontré beaucoup de public et rempli nos missions. Nous sommes allés à la rencontre des publics. C’est ce qui manque au théâtre. Tout cela a été fructueux. J’ai donc été reconduit à ma place. Nous abordons maintenant un nouveau thème, la richesse et le travail.

 

Pourquoi ce thème ?

C’est un thème que j’ai choisi il y a deux ans. A ce moment-là, on ne pouvait pas ouvrir sa radio sans entendre parler de l’abandon du travail, du salariat. Je suis parti de 1830 avec Le Faiseur de Balzac. Dans cette première moitié du XIXe siècle, la société industrielle change. Le bourgeois récupère une plus-value importante qu’il ne redistribue pas. Il ne sait plus travailler et crée la spéculation. Le Faiseur est une pièce que j’avais en tête, que Charles Dullin et Jean Vilar ont montée. Elle a une puissance très forte. Elle est très fouillée.

 

Est-ce que Le Faiseur est si peu mise en scène parce que cette pièce est difficile à monter ?

Elle est très difficile à monter parce qu’il faut trouver un fil conducteur clair. Dans Le Faiseur, trois intrigues se superposent. Il y a un homme qui refuse de payer ses dettes, puis crée un délit d’initié et veut marier sa fille très laide. Tout cela parle à des niveaux différents. Il est nécessaire de tout déchiffrer er de rendre tout cela volubile.

 

Comment avez-vous alors appréhendé cette pièce ?

Mercadet, c’est Madoff, la spéculation boursière, la folie des hommes. Aux Etats-Unis, les gens ont été prêts à acheter leur maison en acceptant un crédit représentant 95 % du montant du prix. Le crédit est la porte de sortie pour beaucoup de monde. D’ailleurs, nous sommes tous endettés, individuellement et collectivement. Pour que ce théâtre soit compris, il faut l’adapter, le situer aujourd’hui.

 

 

 

Vous avez opté pour un dispositif scénique bien particulier.

Avec Les Tréteaux de France, tous les publics voient le même spectacle dans le même contexte. Or, nous n’allons pas toujours dans des théâtres bien équipés. Nous avons un plateau nu. On dit que Mercadet vient de rénover son salon, le plancher, le salon… Il ne faut pas oublier qu’il est un faiseur, un affairiste qui ne veut montrer ses faiblesses. Il veut que ses créanciers pensent qu’il a encore beaucoup d’argent. Autour de ce plateau, il y a tous les meubles, les tableaux… Ce qui fait penser à un chantier mais aussi à la préparation d’une saisie.

 

Mercadet, on l’aime ou on le déteste ?

On le déteste et on peut tomber dans ses griffes. Il a un pouvoir de séduction particulier. Il doit à la fois être séduisant et faire peur. Il est dans une fuite en avant. Mercadet est avant tout un ogre qui s’en sort toujours avec une pirouette. Là, il est un vrai personnage de théâtre. Balzac a écrit auparavant La Comédie humaine dans laquelle il a détaillé tous les personnages. Il fait vivre cette comédie humaine sur un plateau. Nous sommes au début d’un théâtre de salon, de vaudeville.

 

 

  • Mardi 18 octobre à 20h30 au Rive gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray. Tarifs : de 20 à 10 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 91 94 94.