Intermittence : un privilège ?

La manifestation à Paris jeudi 20 mars photo Florence Caillon
La manifestation à Paris jeudi 20 mars
photo Florence Caillon

C’est une histoire sans fin. A chaque renégociation de la convention chômage entre syndicats et patronat, le sujet revient sur la table. Cette fois, le Medef se montre bien décidé à y mettre un terme. Ces derniers jours, il a pourtant gardé le silence et semble vouloir remettre à plus tard la discussion sur le régime des intermittents du spectacle, ces fameuses annexes 8 et 10. Les artistes et les techniciens se mobilisent jeudi 20 mars en France pendant cette ultime réunion sur l’indemnisation des demandeurs d’emploi. Explication avec Mathieu Grégoire, maître de conférence en sociologie à l’Université de Picardie-Jules-Verne.

 

 

 

 

Ça coûte cher ? Un déficit de 1 milliard d’euros (300 millions de cotisations versées contre 1,3 milliard d’indemnités versées) est attribué aux 110 000 intermittents du spectacle. Un déficit qui reste stable chaque année. Difficile donc de pointer du doigt les artistes lorsqu’il faut trouver une cause à l’augmentation du déficit de l’assurance chômage. Mathieu Grégoire va plus loin. Il est inapproprié de parler d’un déficit du régime des intermittents parce qu’il n’y a pas une caisse pour les intermittents mais « une caisse pour l’ensemble des salariés. Il y a un seul gestionnaire, c’est l’assurance chômage ». Par ailleurs, « d’un point de vue macroéconomique, les intermittents représentent 3,5 % des allocataires et pèsent 3,4 % des dépenses. Donc un intermittent ne coûte pas plus cher qu’un autre chômeur ».

 

Un privilège ? « Si on supprime le régime des intermittents du spectacle, on ne va pas faire une économie de 1 milliard d’euros. Ces personnes vont continuer à exister et basculer dans le régime général ». Un autre chiffre a été avancé. « Selon une étude menée par Jean-Patrick Gille, député de Tours, on aboutirait à une économie de 320 millions d’euros. Mais ça ne marche pas. Si on effectue un raisonnement inverse : si 100 000 chômeurs passaient du régime général aux annexes 8 et 10, ils ne coûteraient pas 320 millions de plus. Les salariés en CDI depuis deux ou trois ans seraient exclus de l’assurance chômage au bout de huit mois. Les plus précaires ne seraient plus du tout indemnisés parce que les règles de l’intermittence sont strictes. Le régime des intermittents n’est donc pas un privilège. Il est adapté à un emploi précaire et le régime général, à un emploi stable ».

 

A l’Etat de payer ? Le Medef reprend ce chiffre de 320 millions d’euros et demande à l’Etat, notamment au ministère de la Culture, de payer la note. Son argument : cela relève de la politique culturelle. « Je suis sceptique. C’est du droit social. Le régime des intermittents est adapté à une forme d’emploi. Il est difficile d’invoquer l’exception culturelle française ».