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Jil Caplan : « Le jazz manouche m’a permis de reprendre des galons de chanteuse »

photo Christophe Crenel
photo Christophe Crenel

Elle fait des allers et des retours entre la musique, le théâtre, la littérature. On a fait connaissance de Jil Caplan avec des chansons sucrées-salées, les inoubliables Tout c’qui nous sépare ou encore Natalie Wood. Elle devient une figure incontournable de la chanson française dans les années 1990. Elle se lance dans la vidéo, écrit un livre, Le Sauvage, joue au théâtre des œuvres d’écrivains avec le Beat Génération avec Philippe Calvario et Sébastien Martel, fait un détour par Brel avec l’orchestre régional de Normandie. Imparfaite, son nouvel album sorti en mars 2017, est un bel écrin jazz manouche à des textes d’une femme, un peu plus apaisée mais toujours aussi passionnée. Jil Caplan y parle d’amour et de temps qui passe trop vite. Elle chante mardi 13 mars au centre culturel Voltaire à Déville-lès-Rouen et à l’espace culturel de la Pointe de Caux à Gonfreville-l’Orcher. Entretien.

Est-ce que la musique est une histoire de rencontres pour vous ?

Oui et ce n’est même qu’une histoire de rencontres avec la confrontation des goûts personnels de chacun et tout ce qui peut se passer entre les personnes quand on crée. Chaque sortie d’album correspond, pour moi, à une rencontre avec un musicien ou un compositeur. C’est comme cela et c’est comme cela que je veux faire. Cela me permet de décoller. Avec les autres, on est dans un élan, dans un flux. Ils vont pouvoir m’emporter vers un ailleurs.

A chaque fois, c’est un saut vers l’inconnu.

C’est ce que je préfère. On sait comment faire un disque. Il y a plein de façons de réaliser un album mais il n’y en a pas 36 000. Il faut faire en sorte que tout s’harmonise. Le texte, la musique… Il faut alors peaufiner, trouver un style. C’est ce qui est intéressant.

 

 

Cette rencontre avec Romane vous a emmené vers le jazz manouche. Est-ce un genre musical que vous connaissiez bien ?

Pas du tout. C’est là que la rencontre est intéressante. J’adore le jazz. Je connais davantage le jazz plus intellectuel, celui de Coltrane. Jamais je n’avais relié la chanson au jazz. Pourtant, j’ai écouté Django Reinhardt, Boris Vian et même Serge Gainsbourg. Ce jazz manouche m’a permis de reprendre des galons de chanteuse. J’ai sorti plusieurs albums, plutôt pop parce que j’ai été nourrie par cette musique anglo-saxonne. C’était naturel pour moi. Comme beaucoup, je refusais les vieux chanteurs qui nous faisaient chier.

Chanter sur du jazz manouche demande plus de rigueur ?

Oui, d’une certaine façon. Les musiciens sont excellents. Cela ne veut pas dire que les autres mauvais. Quand Romane joue, on voit et on entend un virtuose. On se rend bien compte qu’il a passé sa vie à jouer, jouer et jouer encore. Il consacre sa vie à la musique. Sur cet album, avec Jean-Christophe (Urbain, un des deux Innocents, ndlr), nous avons apporté notre patte, Romane, lui, est arrivé avec quelque chose de bien ficelé. Sur cette musique, il y a à chanter. Il est impossible de rester en dehors de la chanson. Il faut être dedans parce qu’elle mobilise.

 

Est-ce que votre passage au théâtre vous a aidé dans cette interprétation ?

oui, complètement. Le théâtre m’a méchamment appris à me tenir sur scène, à moins gigoter. Cela a été un véritable apprentissage. Quand j’ai travaillé sur les chansons de Brel, j’ai aussi beaucoup appris. Je ne pouvais le singer. Ce n’était pas possible. On peut juste s’inspirer de sa lumière, de son talent. Les mots sont là pour guider vers une émotion qu’il faut débusquer.

Intituler un album Imparfaite, est-ce une provocation dans une société où l’on demande d’être justement parfait ?

Être parfait, c’est un leurre. C’est de la poudre aux yeux. Nous sommes tous plein d’aspérités. Et c’est très bien comme cela. Je suis comme je suis. Comprendre cela amène à une forme de paix, de pacification avec soi-même. On demande aux femmes d’être des épouses, des mères, des maîtresses, des salariés parfaites. C’est fatigant et ce n’est même pas intéressant. Une personne est passionnante quand elle a des accidents.

Est-ce que cet album est une épopée intérieure ?

C’est un grand mot. Je suis plus petite que cela. Il y a des choses qui se passent dans nos vies, des rencontres, des séparations. On a des doutes. Il faut essayer de les raconter le plus justement possible. Les états d’âme, on s’en fout. L’événement a une vérité brûlante. Un album, c’est le Polaroïd du moment.Les pensées évoluent avec les événements de la vie.

Pensez-vous déjà au nouveau Polaroïd ?

Je suis en train de le concevoir. Je me suis remis au travail parce que le temps passe vite et personne ne nous attend. Alors, les choses, il faut aller les chercher. L’histoire s’écrit de cette manière.

Les dates

  • Mardi 13 mars à 20h30 au centre Voltaire à Déville-lès-Rouen. Tarifs : de 16 à 8 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 68 48 91 ou sur www.dullin-voltaire.com
  • Jeudi 19 avril à 20h30 à l’espace culturel de la Pointe de Caux à Gonfreville-l’Orcher. Tarifs : de 12 à 3 €. Réservation au 02 35 13 16 54 ou sur http://culture.gonfreville-l-orcher.fr