Le festival d’Avignon est le passage obligé des compagnies normandes

photo : Arnaud Bertereau

C’est ce vendredi 5 juillet que commence le festival d’Avignon avec d’un côté le in et de l’autre le off et ses 1 592 compagnies. 14 d’entre elles sont normandes. À chacune sa stratégie pour se faire repérer

Pas facile de se faire une place au festival d’Avignon au milieu de plus de 1 500 compagnies inscrites dans le off — 1 592 pour juillet 2019. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter d’édition en édition. Pourtant faire Avignon est comme un passage obligé pour les troupes si elles souhaitent tourner en France les saisons suivantes. « C’est terrible à dire mais le festival d’Avignon est le seul moyen de rayonner. Il est possible d’avoir une visibilité à Paris. Il est assez facile de mobiliser la presse mais les professionnels ne sont pas tous là. À Avignon, tous les programmateurs sont là. Et c’est le seul endroit », remarque Yann Dacosta, metteur en scène et fondateur du Chat Foin.

Comme en 2018, les compagnies normandes n’ont jamais été aussi nombreuses au festival d’Avignon qui commence vendredi 5 juillet. Il y en avait 14 l’an passé. Même nombre cet été avec Akté, Caliband Théâtre, Toutito Teatro, L’Éolienne, La Cohue, La Parole au centre, Les Vibrants Défricheurs, Le K… Pour chacune, il est indispensable d’établir une véritable stratégie de communication dans cet hypermarché où la concurrence est rude. D’autant que le nombre de lieux de diffusion est également en constante augmentation. Une véritable spirale : plus de compagnies donc plus de lieux. Et l’inverse est vérifié. « C’est un réel problème, alerte Yann Dacosta. Quand va-t-on arrêter cette hémorragie ? Les conditions sont difficiles. Les créneaux sont chers », entre 8 000 et 18 000 €.

Un accompagnement de l’ODIA

Pour ne pas rater son Avignon, « il faut avoir le bon spectacle au bon endroit. Plutôt une forme légère — parce que les spectacles s’enchaînent — et dans des lieux repérés », recommande Caroline Lozé, directrice de l’ODIA Normandie (Office de diffusion et d’information artistique). « Rien n’est à négliger. Tout compte à Avignon : l’horaire, la communication, l’attaché de presse, l’affichage, la distribution de tracts. Il faut sortir du lot, devenir un spectacle coup de cœur », commente le metteur en scène du Chat Foin qui a fait son 3e Avignon en 2018 avec Qui Suis-Je ?

Le Théâtre des Crescite a vécu son premier festival d’Avignon l’année dernière avec Mon Royaume pour un cheval dans l’espace Alya. « Nous avons joué durant toute la durée du festival dans l’espace Alya, en extérieur. C’était un bon choix parce que nous avions la cour que pour nous. Cela n’a pas été simple de se démarquer. Il a fallu faire beaucoup de communication, travailler sur les réseaux sociaux. Tout cela a porté ses fruits puisque les dernières dates étaient complètes et nous avons pu faire une tournée dans le sud l’automne suivant », rappelle Barbara Daussy, administratrice de la compagnie.

Se démarquer ? la compagnie El Nucleo d’Edward Aleman et Wilmer Marquez y est parvenue avec Somos. « Nous avons eu une chance : nous venons du cirque. Et du cirque dans un festival de théâtre, c’est repérable parce qu’il y a un lieu aménagé par la région Occitanie et identifié pour les professionnels et le public qui viennent voir du cirque », confie Fanny Fauvel. Sous ce grand chapiteau, il y a 210 places. « Il faut alors les chercher ». Pour la chargée de production et de diffusion, c’est un travail qui commence presque un an à l’avance avec les co-producteurs. Sur place, elle mise tout sur le bouche à oreille. « Nous avons accueilli 300 professionnels dont 195 programmateurs et le taux de remplissage n’a jamais été inférieur à 60 % ».

Avignon est un gros investissement et les compagnies n’ont pas beaucoup le droit à l’échec. « C’est un choix propre de stratégie », commente Caroline Lozé. C’est, pour elles, presque une question de survie. Chaque année, l’ODIA vient aider les troupes normandes qui souhaitent présenter leur nouvelle création au festival. Un aide conséquente qui représente 94 000 €, soit 21 % du budget total. 2018 s’avère « une année exceptionnelle ». L’enveloppe consacrée à l’accompagnement aux compagnies en tournée en dehors de la Normandie est passé de 41 % en 2017 à 57 % du montant total des aides en 2018. Quant au nombre de demandes, il représentait 51 % des dossiers examinés contre 30 % l’année précédente.