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Le Havre, une ville rock

L’histoire du rock au Havre semble s’accélérer après une mise en sommeil pendant quelques années. Vendredi 13 septembre, le Sonic, pôle de studios de répétition, a ouvert ses portes au Fort de Tourneville. Dans ce même lieu historique, s’est élevée la Smac, salle de musiques actuelles, baptisée Le Tétris et inaugurée jeudi 19 Septembre. Retour sur ces années avec Laury qui a grandi pendant ces années rock au Havre.

 

lauryLui aussi est tombé dedans quand il était tout petit. Non pas dans la marmite de potion magie mais dans l’univers du rock havrais. Pendant de nombreuses années, Le Havre a été en effet un des bastions du rock français. « Dans les journaux, elle faisait partie du top 5 des villes rock ». Laury, né en 1977, a grandi entre un père, propriétaire d’un magasin de disques, et une mère qui tenait Le Ragtime, un bar où se retrouvaient les musiciens de l’époque. « J’ai appris à jouer de la musique avec eux. Ils sont mes tontons et mes tatas ». Des souvenirs, il y en a et il en a récoltés. Il les partage désormais sur le web.

 

Pourquoi le rock a trouvé au Havre un terrain favorable à son développement ? « Cette ville a été la porte d’entrée du rock anglais. Et les Anglais importaient la musique américaine. Depuis longtemps, j’entends la même histoire : dans les années soixante, un de mes oncles ou un de mes frères est allé à Londres et a ramené un 45 tours des Beatles ou d’un autre groupe. Ce fut le point de départ à tout cela. Little Bob m’a toujours dit que le premier 45 tours de blues qu’il a écouté a été acheté en Angleterre. La ligne Le Havre-Southampton permettait cela. On partait passer une journée ou un week-end en Angleterre et on achetait des disques. On les partageait ensuite avec les copains ».

 

 

Porte d’entrée également pour les groupes anglais qui sont venus jouer en Europe. Le Havre était une première ville étape avant Paris. « Les Havrais ont eu la chance de voir les Stranglers, les Ramones, Status Quo… Scorpions est venu en 1974. Le concert a eu lieu sous un chapiteau élevé sur le parking du stade Deschaseaux. Ils devaient seulement passer en première partie. Comme le groupe principal, UFO s’est désisté au dernier moment. Scorpions est devenue la tête d’affiche ».

 

La scène rock anglo-saxonne influence ainsi les musiciens havrais parce qu’elle pose des mots et traduit en musique l’histoire sociale de la ville. « C’est flagrant », commente Laury. « Le gris et le noir sont associés au Havre. Il n’y a pas un côté dépressif mais une vraie colère. Dans les années quatre-vingt, le rock anglais parle de la conjoncture économique, des problèmes sociaux, du chômage. Sans oublier l’amour. On a aussi entendu : je t’aime, moi non plus, pourquoi tu m’as quitté… »

 

Pour Laury, le premier groupe de rock havrais arrive au début des années soixante. Ce sont Les Apaches, une formation qui compte Little Bob, Les Blackers, un groupe mythique dont le chanteur était black – ce qui était rare à l’époque – et dont le guitariste a poursuivi sa carrière au cinéma dans les films érotiques. « Tous ces groupes reprenaient alors des titres anglo-saxons ».

 

Les années quatre-vingt sont une décennie faste, « la meilleure période pour le rock havrais » qui voit arriver Fixed up, City Kids, Roadrunners, le label Closer Records lancé en 1983 par Philippe Debris. « Il a eu un coup de cœur pour les Barracudas lors d’un voyage en Angleterre. A ce moment-là, le groupe cherchait un label. Philippe Debris est alors allé emprunter l’équivalent de 50 000 francs pour permettre la sortie du disque ». Tous ces groupes plus ou moins connus se produisaient dans les bars, dans les salles des fêtes, dans les centres de loisirs, « et aussi dans les salles paroissiales qui ont accueilli Grossesse nerveuse et Ejaculator ». Les voix du rock sont impénétrables…