Les artistes s’engagent… toute l’année

© JP SAGEOTAvant les élections régionales, après le premier tour, certains artistes ont pris la parole pour réagir aux propos inquiétants des candidats bleu marine ou ont apporté leur soutien à des listes. D’autres ont écrit des lettres relayées par les médias et sur les réseaux sociaux ou se sont tus. Parce que le contexte politique est devenu particulier. Les résultats du 6 décembre ont beaucoup interrogé. Alors on s’engage ? On ne s’engage pas ? Les questions sont trop restreintes. L’engagement des artistes est quotidien à travers leur création et leur action dans les milieux scolaires, carcéraux… La vie des idées ne s’arrête jamais. La transmission des valeurs citoyennes, non plus.

 

Pour David Bobée, metteur en scène et directeur du CDN de Haute-Normandie, « l’humanisme n’a pas de couleur politique. Notre projet est profondément humaniste. Tout ce qui est fait au CDN durant la saison est porté par la volonté de la représentativité de toutes les communautés dans sa diversité ». Alors, il refuse de « s’enraciner dans une culture fantasmée », rejette « les batailles identitaires. Il faut arrêter de se limiter à une partie de la population française. Créer du lien est le seul motif pour faire du théâtre. Et ce n’est pas partisan ».

 

Autre metteur en scène, Yann Dacosta, fondateur du Chat Foin, s’engage lui aussi « au jour le jour. Dans notre travail, cela passe par le choix des textes, l’action artistique. Godard disait : je ne fais pas du cinéma politique, je fais du cinéma politiquement. Nous ne devons pas être des militants mais des dissidents. Mon engagement est politique au sens social, civique, humain ». Tout comme Florence Caillon, metteure en scène, chorégraphe de la compagnie L’Éolienne, préfère s’exprimer « dans les spectacles. Je veux travailler cette matière du réel. Aujourd’hui, les artistes peuvent être une forme alternative aux médias dominants. Il y a une défaillance démocratique au sein de l’appareil politique et médiatique ».

 

« Vivre ensemble »

 

Même engagement quotidien pour la comédienne Valérie Diome. « Je n’ai pas de message politique à porter. Cependant, l’action culturelle est essentielle pour éveiller les consciences, pour aller vers d’autres publics, s’ouvrir à d’autres corps de métier. Or, les enveloppes consacrées à ces actions ne font que diminuer à cause des restrictions budgétaires ». Yann Dacosta a mené cette semaine des ateliers avec des lycéens. « Le but a été de travailler ensemble, de se connaître. En fait, nous étions tous venus chercher la même chose : vivre ensemble ».

 

Qu’en est-il de la chanson ? « Nous sommes tous d’accord dans La Maison Tellier. Jamais une chanson n’a changé le monde. Elle peut juste changer la vie intime, individuelle. Le fait d’écrire permet de partir ailleurs, de me mettre en dehors de tout cela, de ne pas céder à la peur ambiante. C’est de la beauté pure et simple », remarque Helmut Tellier. Et le dessin ? « Il ne peut pas être curatif, seulement préventif. C’est néanmoins un vecteur de démocratie », répond Julien Hugonnard-Bert, dessinateur et encreur.

 

Faut-il alors appeler à voter ? La question reste aussi délicate. « Ma légitimité me permet seulement de dire à mes amis de ne pas s’abstenir. Cela s’arrête là », estime Helmut Tellier. Pas pour David Bobée. « Je ne peux pas entendre les abstentionnistes. Le vote devrait être plus un devoir qu’un droit ».