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Leyla-Claire Rabih à Terres de Paroles : « Le théâtre sert à penser ensemble »

photo Grenier Neuf
photo Grenier Neuf

Pourquoi des manifestations pour la démocratie sont devenues une catastrophe humanitaire et un conflit international ? Retour sur le drame syrien dans Chroniques d’une révolution syrienne de Mohammad Al Attar mises en scène par Leyla-Claire Rabih. Ce fut un besoin pour la comédienne d’aborder au théâtre les prémices de ces événements politiques. Pour les raconter, elle s’est emparée de Online, Tu peux regarder la caméra ? et Youssef est passé par là, trois textes de Mohammad Al Attar, un écrivain en exil. C’est lundi 16 et mardi 17 avril à L’Étincelle à Rouen avec le festival Terres de Paroles. Entretien avec Leyla-Claire Rabih.

Est-ce facile de raconter une histoire qui n’est pas terminée ?

Non, c’est difficile. Cette histoire a commencé il y a longtemps. Quand les premières manifestations ont eu lieu en 2011, on se demandait si la forteresse syrienne pouvait s’écrouler. Pour moi, il était nécessaire d’en parler au théâtre. Je cherchais alors des formes adéquates. En 2013, j’ai découvert les écrits de Mohammad Al Attar. J’en ai lus plusieurs et j’ai décidé de construire une trilogie pour raconter le début du conflit, la bascule dans la guerre qui n’était pas prévisible et un voyage. Chacun des textes choisis, Online, Tu peux regarder la caméra ? et Youssef est passé par là, est une fenêtre sur un événement.

Pourquoi avez-vous souhaité revenir aux sources du conflit ?

La situation en Syrie a beaucoup évolué. Il y avait l’espoir que le pouvoir bascule. Après les manifestations, est apparu Daech, se sont déroulés les attentats en France et sont arrivés les migrants. Avec le temps les moments historiques s’éloignent. Plus ce temps passe, plus il est important de rappeler les débuts, le soulèvement de la population et son écrasement. C’est important pour que l’on n’oublie pas. En Syrie, on est face à une situation complexe, à la victoire d’un régime totalitaire. Il y a toute une forme de dénégation historique du soulèvement révolutionnaire de la part de l’Occident. Le discours aujourd’hui du régime syrien, c’est : sans nous, le chaos. Or, on ne prend pas en compte les revendications des Syriens. Le théâtre est une manière de revenir sur ces événements et de les partager.

Le théâtre se doit-il de poser les questions politiques ?

Le théâtre n’apporte pas de réponses mais peut en effet partager des questionnements, faire avancer des réflexions. On ne peut plus supporter cette dictature. La question aujourd’hui : comment sait-on qu’un soulèvement est légitime ? Comment construit-on une citoyenneté, une démocratie ? Tout cela est en filigrane dans cette pièce. Le théâtre sert à penser ensemble.

Vous avez choisi trois textes différents qui impliquent trois formes de théâtre. Quelle dramaturgie avez-vous construit ?

Il y a en effet trois textes avec trois formes différentes. Ce qui impliquait trois formes de représentation parce que ces textes n’ont pas de liens entre eux. Le seul lien, c’est mon souhait de les réunir. Là, j’endosse une position de narratrice. D’où ma présence sur le plateau. Je raconte l’histoire. C’est un geste artistique, un geste subjectif. Les Chroniques sont un triptyque avec trois parties différentes. La première est un échange de mails, que je traduis en français. Dans la deuxième, une jeune femme réalise une interview pour un documentaire. La dernière est un voyage. Pour celle-ci, les images prennent le relais de la narration.

Avez-vous pensé à une suite à ces Chroniques ?

À partir de septembre 2015, il y a eu l’arrivée massive des réfugiés. Pour moi, l’exode était le quatrième acte de la pièce. Cette histoire continue à accompagner ma réflexion. Il y a un travail de recherche d’atelier. Cela fera l’objet d’un prochain spectacle.

 

 

  • Lundi 16 et mardi 17 avril à 20 heures à la salle Louis-Jouvet à Rouen. Tarifs : de 15 à 9 €. Réservation au 02 32 10 87 07 ou sur http://terresdeparoles.com