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Loïc Touzé à L’Étincelle : « J’ai dû apprendre à relier mon imagination à mon geste »

photo Cosimo Terlizzi
photo Cosimo Terlizzi

Loïc Touzé est danseur et chorégraphe depuis quarante ans. Il aime la scène. Un brin cabotin, il s’y amuse. Il raconte avec sensibilité et humour ce parcours sinueux qui a commencé à l’Opéra de Paris. Dans Je suis lent, interprété mardi 6 et mercredi 7 novembre à L’Étincelle à Rouen, il revient aussi sur les grandes figures et sur les différents courants qui font l’histoire de la danse de ces dernières années. Entretien avec Loïc Touzé.

Est-ce que la danse a été un vrai choix pour vous ?

Non. Quand j’étais enfant, j’avais une sensibilité artistique. Je voulais être clown. Pour mon père, le clown est l’artiste le plus complet. Il m’a alors conseillé de commencer par la danse. Ce que j’ai fait et je n’ai jamais arrêté. Aujourd’hui, je crois bien que je fais le clown.

Vous êtes entré à 10 ans à l’Opéra de Paris. C’est un début très sérieux.

J’ai suivi les cours de l’école de danse pendant huit ans. Normalement, c’est cinq ans. J’ai pris mon temps. D’où le titre de cette conférence, Je suis lent. Cela m’a rendu critique. Je voulais comprendre où j’étais. Ce fut une manière de résister. J’ai été élevé à la virtuosité pendant douze ans. Je suis un bon danseur classique mais je me suis terriblement ennuyé. Il n’y avait pas d’imaginaire. On nous racontait des histoires. À l’Opéra de Paris, on fait entrer dans un corps d’enfant un patrimoine de 300 ans et on finit à 20 ans en prince charmant. À 22 ans, j’ai quitté l’Opéra de Paris.

C’est un geste fort.

Oui, c’est un geste fort. Avant de partir, je me suis confronté à des refus. L’Opéra ne voulait me voir partir. Les copains, ma famille ne comprenaient pas mon choix. Mais, pour moi, c’était une nécessité absolue. Dans les années 1980, autour de moi, on commençait à parler de la nouvelle danse.

Quel projet aviez-vous en tête ?

À l’Opéra de Paris, j’avais quitté le ballet pour danser avec la petite compagnie. Carolyn Carlson y est venue. Elle était une sorte de fée. Avec elle, j’ai entendu parler de la danse pour la première fois. Un jour, je lui ai dit : emmenez-moi ! Elle m’a répondu : va prendre des cours et présente-toi aux prochaines auditions. Je suis allé passer un été aux États-Unis. À mon retour, j’ai passé une audition et Carolyn Carlson m’a engagé. Je suis resté avec elle pendant un an et demi.

Est-ce facile d’intégrer une troupe de danse contemporaine après tant d’années à l’Opéra de Paris ?

Non, c’est difficile. Les chorégraphes m’engageaient parce que j’avais une technique solide. Or quand on me demandait de faire un geste particulier, je n’y arrivais pas. C’est vertigineux de déconstruire un geste chevillé au corps, de changer de paradigme corporel. Je n’avais que la culture de l’Opéra. J’ai dû m’ouvrir à l’art.

N’est-ce pas cette liberté que vous recherchiez ?

Oui mais cette liberté est paralysante. J’ai dû apprendre à relier mon imagination à mon geste. Comment est-ce que je redeviens un corps en friche ? C’est en fait un parcours de déconstruction, une quête réelle mais vaine. Je pense que je n’y suis jamais arrivé.

Savourez-vous davantage cette liberté en tant que chorégraphe ?

Je la savoure tout relativement. Il est très difficile de produire des pièces, un geste émancipateur. J’ai cependant un grand plaisir à travailler avec des danseurs éblouissants. Les interprètes conservent la poésie de leur geste. Je veux qu’ils me disent comment ils préservent ce sentiment de liberté.

Est-ce que raconter votre parcours a levé quelques freins ?

Probablement cela a agit sur la manière de mieux penser les enjeux de mon travail, de trouver le sens de mon parcours.

 

Infos pratiques

  • Mardi 6 et mercredi 7 novembre à 20 heures à la chapelle Saint-Louis à Rouen. 
  • Tarifs : de 16 à 3 €. Pour les étudiants : carte Culture. 
  • Réservation au 02 35 98 45 05 ou sur www.letincelle-rouen.fr
  • Rencontre avec Loïc Touzé après la représentation du 6 novembre