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Mehdi-Georges Lahlou au CDN : « Tout est matière à modeler »

Mehdi-Georges Lahlou s’est inspiré de The Ring of the dove, un texte du XIe siècle en forme d’anthologie amoureuse qui donne son titre à une création plurielle. L’artiste associé au CDN de Normandie Rouen questionne les symboles, les identités… Pour cela, il est entouré du chanteur Jorg Delfos et du danseur Killian Madeleine. À découvrir jeudi 8 et vendredi 9 novembre au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly. Entretien avec Mehdi-Georges Lahlou.

Vous êtes danseur, plasticien, performeur… Quel est le lien entre ces différentes disciplines artistiques ?

Ce sont des choix de logique par rapport à l’appréhension d’un matériau. A la base, je suis un produit de la performance. Mon corps fait partie de la création. Ce qui me permet de jouer avec l’apparence, avec les apparences. Mais je ne souhaite pas que mon travail se limite à cette idée performative. Les autres disciplines ne sont pas venues se superposer au fil du temps. Elles sont là parce que je ne veux pas m’imposer de limites. Donc tout est possible. Le théâtre est une matière. Comme le verre, le plâtre… Tout est matière à modeler.

Plusieurs questions traversent vos œuvres, celles de l’identité, du genre, de la mémoire…

C’est surtout la question de la mémoire qui m’anime. Celle de la mémoire collective, du patrimoine culturel, éducatif. Au début, je me suis beaucoup intéressé à la question du genre, un alibi pour créer, avancer des idées, ouvrir des possibles. En fait, je voulais débloquer les sens. Par exemple, le voile. Comment rendre l’objet à l’état d’objet ? Comment peut-il retrouver son sens d’objet ? À quel moment, le voile est-il devenu ce voile musulman et non plus un bout de tissu ? On enferme un sens pour légitimer une culture, un groupe social, une identité. Comment peut-on endormir un sens ? C’est une question qui m’intéresse beaucoup.

Le point de départ de cette création est The Ring of the dove d’Ibn Hazm. Pourquoi ce poème ?

Je suis un passionné de littérature arabo-andalouse. J’ai choisi naturellement ce texte parce que j’avais envie d’écrire un spectacle sur l’amour. Ibn Hazm parle de toutes les étapes amoureuses dans la ville de Cordoue à la fin des Omeyyades. Il part de faits réels, d’actes amoureux avérés. Ibn Hazm reste néanmoins très ambigu par rapport à la relation amoureuse. Le seul amour serait celui de Dieu.

Comment ce texte traverse votre création ?

Il est présent durant tout le spectacle mais pas en tant que texte. Peut-être comme acte de performance. Il a inspiré des intentions, des mises en ambiances, des mouvements. La narration est dans la contemplation. Les différentes étapes de l’amour ne sont pas clairement définies. Nous sommes dans la sensation de l’acte. J’aime aussi l’ambiguïté. Il y a une idée de jardin, d’espace intime où les corps s’harmonisent, se séparent. Jorg Delfos est là pour chanter des sourates du Coran sur des airs de Haendel. C’est la tension entre nous trois qui permet de comprendre les choses se nourrissent entre elles.

Est-ce que The Ring of the dove est plus proche de la performance ou d’un spectacle écrit ?

C’est un spectacle. Il est pensé, travaillé, produit comme un spectacle. La conscience de création de cet objet-là est en effet un spectacle. Il a certes une essence performative. Pendant quinze ans, j’étais seul dans mes performances. Il y avait quelque chose d’intime, une mise en jeu directe, voire brutale. Là, nous sommes dans l’espace d’un théâtre qui ne permet pas de travailler sur l’idée de la performance. Le lieu m’impose une autre démarche, une appréhension différente de la scène. Je me suis demandé comment j’allais pouvoir me servir des codes du théâtre sans les utiliser clairement. C’est une contrainte intéressante et déstabilisante qui permet de suivre une continuité logique.

 

Infos pratiques

  • Jeudi 8 et vendredi 9 novembre à 20 heures au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly. 
  • Tarifs : 15 €, 10 €. Pour les étudiants : carte Culture. 
  • Réservation au 02 35 70 22 82 ou sur www.cdn-normandierouen.fr