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Nathalie Pernette au Rive gauche : « la danse est une manière d’être au monde »

photo Dan Aucante

Nathalie Pernette a orchestré la Nuit de la danse qui se déroule samedi 16 décembre au Rive gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray. Une partie de la nuit pour partager des expériences chorégraphiques dans un cadre singulier avec la compagnie de Nathalie Pernette, de Dominique Boivin et de Thomas Lebrun et se transformer en prince et princesse du dancefloor. Artiste associée depuis le début de cette saison, la chorégraphe mêle pour ce rendez-vous particulier la danse et le textile pour évoquer l’être et le paraître. Entretien.

Vous êtes artiste associée au Rive gauche pendant deux saisons. Que cela signifie-t-il pour vous ?

Être artiste associée, ce n’est pas venir seulement pour une seule représentation. C’est par bonheur une relation durable pendant laquelle on construit des choses ensemble, on s’associe pour une programmation, une sensibilisation à la culture. C’est aussi la reconnaissance d’un travail et un soutien. Ce qui est très agréable.

Vous avez commencé la danse par le classique. Est-ce par défaut ?

Non, pas par défaut. J’avais très envie de danser. A Montceau-les-Mines, j’avais juste le choix entre danse classique et modern-jazz. J’ai préféré la première. J’en ai aimé la rigueur, la précision. J’ai vécu tout cela avec bonheur. Je m’en suis éloignée par la pratique d’autres danses. Notamment la danse contemporaine. Je voyais là la possibilité d’inventer mon propre vocabulaire, de créer mon univers gestuel. Dans la danse classique, vous êtes le plus souvent cantonnée à des rôles de princesse. Et cela ne me correspondait pas.

Pourquoi la danse reste votre moyen d’expression favori ?

Petite, j’ai commencé la danse par empathie avec ce que je voyais à la télévision. C’était pour moi le moyen d’expression qui me ravissait. D’autant que j’étais une enfant très réservée, plutôt observatrice. On avait conseillé à ma famille de me proposer une activité physique et un animal pour que je puisse ouvrir toutes ces portes et que je ne sois plus dans ce silence. Cela m’a permis de découvrir un monde dans lequel je me suis bien sentie. J’avais trouvé « les mots » pour parler avec les autres.

Comment s’est écrit votre vocabulaire ?

On construit sa danse sur ses capacités et ses incapacités. J’ai cherché une danse très articulée, très urbaine qui conjugue le masculin et le féminin. Tout s’est écrit strate par strate et s’est enrichi avec les danseurs de la compagnie.

Les arts plastiques et le cinéma sont aussi des sources d’inspirations importantes.

J’ai grandi dans un milieu d’artistes peintres. J’ai beaucoup regardé des monographies et lu des livres sur l’histoire de l’art. Je suis plus en effet une fille de l’image que du texte. Comme la danse, le cinéma est un monde avec un langage, une température, un univers… La musique est aussi un ingrédient important.

Vous sortez souvent des salles de spectacle pour investir divers lieux urbains.

Dans les années 1990, on explorait toutes les possibilités. On aimait les impromptus, les happenings, les performances… Après, on a été happé par les salles. En 2000, quand je me suis retrouvée à Besançon, j’ai eu envie de sortir. J’en avais marre d’être enfermée dans une boîte noire. J’ai voulu me confronter à des espaces réels. Pour moi, l’espace urbain est tout aussi important que l’espace naturel.

La danse, est-ce une manière d’être ?

La danse est une manière d’être au monde parce qu’elle développe une certaine façon de se promener dans le monde, de le regarder, d’être en lien avec les autres. Ce peut être aussi une manière de rêver le monde. Ce sont des choses que l’on a envie de partager. Je suis moins dans le vécu que dans la volonté de réveiller les choses, de faire ressentir une émotion.

D’où peut venir cette émotion ?

Il y a ce que je vis. Il y a des choses en lien avec ma vie personnelle. Le but étant de les rendre universelles. Il y a enfin les sujets de société, ces choses que je peux ressentir. Plusieurs indices m’ont mis sur cette voie. J’ai écrit Sous La peau après avoir fait le constat d’une société dans laquelle les corps s’absentent de plus en plus. Il faut réveiller les corps, les sens et ne pas être seulement dans le verbal et l’intellect.

La danse, est-ce seulement l’indicible ?

Ma danse est en effet beaucoup dans l’indicible, l’invisible, dans tout ce qui ne se raconte pas. C’est l’endroit que je trouve le plus juste. On est plus dans la sensation, dans la suggestion, dans les entre-deux.

 

 

Une Nuit de la danse

Le fil rouge de cette deuxième Nuit de la danse, c’est le textile qui peut à la fois révéler ou cacher  une personnalité. Nathalie Pernette s’est inspirée de ce thème pour imaginer la deuxième Nuit de la danse du Rive gauche. Une occasion pour cette danseuse et chorégraphe de présenter des œuvres de son répertoire comme Ikche-Wishasha-L’Homme nouveau qui pourrait être une femme, Les Oignons ou « une partition pour plusieurs corps et dix couches de vêtements ». Nathalie Pernette invite Dominique Boivin de la compagnie Beau geste dans Road Movie, un solo espiègle, et Thomas Lebrun dans Les Rois de la piste, une création colorée. Entre les spectacles, Nathalie Pernette a écrit quelques jingles avec des danseurs amateurs pour « accueillir le public, le guider dans les salles. Ce sont des clins d’oeil au moment qui suivra ». La Nuit de la danse se termine toujours sur le dancefloor. Deux heures de danse et de musique lors d’un set quelque peu glamour assuré par Stéphane Magnin.

  • Samedi 16 décembre à 19 heures au Rive gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray. Tarifs : de 20 à 10 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 91 94 94.
  • Soirée conseillée à partir de 15 ans.