/

Radouan Leflahi, porté par les fées du théâtre

photo Arnaud Bertereau

Pour cette nouvelle reprise de Fées, Radouan Leflahi joue un jeune homme qui a souhaité se couper du monde pour ne plus en entendre ses bruits. Le comédien rouennais retrouve le metteur en scène David Bobée, directeur du CDN de Normandie-Rouen et poursuit un beau parcours théâtral. Fées est présenté jusqu’au 14 août dans l’ancienne école des Beaux-Arts à Rouen. Courez-y !

 

photo Arnaud Bertereau
photo Arnaud Bertereau

« Quand j’ai dit, la première fois, que je voulais faire du théâtre, tout le monde a ri dans la classe. Même le prof ». Radouan Leflahi était au collège. Il partageait avec ses copains ses envies pour le futur. Au lycée, la question sur l’avenir de chacun est bien évidemment revenue lors d’une conversation entre élèves et enseignant. La réponse de Radouan Leflahi n’avait pas changé. La réaction des lycéens et de son professeur, non plus. « J’ai alors gardé ça au fond de moi ». Tout comme la ferme volonté de jouer au théâtre.

 

Le théâtre a alors été cette flamme secrète pour ce garçon qui a grandi dans un quartier difficile de l’agglomération rouennaise. « J’ai toujours voulu en faire. Pourtant, je viens d’une culture dans laquelle on ne met pas le théâtre en avant, on ne se fait pas pointer du doigt. Mais j’avais envie de jouer. Petit, on s’amuse à tenir des rôles, à être des cow-boys, des indiens, des shérifs… J’ai voulu continuer pour être un prince antique, un roi, un jeune premier… Pour moi, cette liberté est très précieuse ».

 

Pour en arriver là, il a fallu vaincre des peurs, des regards. « Quand on est jeune, on a besoin de celui de ses copains. J’ai dû dépasser cela. J’ai compris que le plus important était le regard de ma famille et de ceux qui me soutiennent ». Après le bac, direction le conservatoire. « C’était le moment d’y aller ». Lors de l’audition, « je ne savais pas où je mettais les pieds. Je ne connaissais rien du tout mais je suis arrivé avec une telle envie ».

 

Radouan Leflahi est le personnage central de Fées, un texte de Ronan Chéneau mis en scène par David Bobée, directeur du CDN de Normandie-Rouen et présenté jusqu’au 14 août à Rouen. Ce jeune musulman se débat avec des préjugés, qui veut s’exclure du désordre du monde en s’enfermant dans sa salle de bains, lieu de l’intime dans lequel des fées tentent de le tirer de cette introspection. « Elles me font accoucher d’une parole pour qu’elle existe. Mais après, tout explose. C’est aussi une réalité. Les jeunes des quartiers dont je fais partie ne se font pas entendre quand on ne les titille pas. Fées renvoie à une certaine violence ». Avec cette actualité terrible galopante depuis plusieurs mois, ce spectacle éclaire des interrogations humaines et politiques.

 

Son histoire

Radouan Leflahi est remarquable dans ce rôle. Il impose par sa présence, avec ce physique d’athlète, qu’il doit contenir, et aussi avec ce regard, noir, qu’il a d’habitude, si doux et rieur. « Au début, c’était très dur. Avant le théâtre, j’ai fait beaucoup de sport et j’ai une énergie très physique. Pour la première fois, on me demande de tout garder en moi. Il faut créer comme une frustration. C’est un des spectacles qui m’épuise le plus. Pourtant, je joue dans Lucrèce Borgia ».

 

Pour Radouan Leflahi, il y a une autre difficulté. Fées raconte également une partie de son histoire. « Cela reste compliqué encore aujourd’hui. Ce personnage est proche de ce que je suis, de ce que je vis tous les jours. Quand on a un tel texte sur l’identité, c’est mille fois plus concret et aussi plus violent à vivre. David (Bobée, ndlr) m’a beaucoup aidé à prendre du recul. C’est très dur mais c’est beau parce que Fées parle de notre fragilité ».

 

« Un grand frère de théâtre »

Une belle complicité lie désormais le metteur en scène et le comédien. Elle est née en février 2010 alors que Radouan Leflahi était encore au conservatoire de Rouen et que David Bobée animait un laboratoire théâtral. Radouan a ensuite joué dans Gilles, Roméo et Juliette, au théâtre et au cinéma, Lucrèce Borgia, « une sacrée expérience », et, aujourd’hui, Fées. « Je n’hésite jamais avec David. J’ai confiance en lui et j’ai tout connu avec lui. Il m’a proposé des rôles différents à chaque fois. Il est comme mon grand frère de théâtre. Il me fait grandir en tant que personne ».

 

Comment Fées l’a-t-il fait grandir ? « Pour l’instant, je ne sais pas parce que cette histoire est trop personnelle. Quand les représentations seront terminées, il faudra que je prenne encore du recul pour me rendre compte de ce que j’ai acquis pendant cette expérience ».

 

Radouan Leflahi aime beaucoup jouer, « avec une préférence pour le théâtre ». Il ne cache pas ses envies de mise en scène. Avec sa compagnie Hominem Te Esse, qu’il dirige depuis 2014 avec Laura Chapoux, il a monté Partage de midi de Claudel. En projet, il y a Morphée Land de Thomas Boulan. Dans sa tête, il y a aussi Racine, Mahmoud Darwich, Tahar Ben Jelloun…, des auteurs qui l’accompagnent. Sans oublier l’enseignement : « c’est une des choses qui me plaît le plus ».

 

  • Mercredi 3 et jeudi 4 août à 20 heures, samedi 6 et dimanche 7 août à 18 heures, jeudi 11 août à 20 heures, samedi 13 et dimanche 14 août à 18 heures.
  • Représentations au 29, rue Victor-Hugo à Rouen
  • Tarif : 10 €. Réservation sur www.cdn-normandierouen.fr