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Robert Swinston : « Cunningham avait pour moi la figure d’un père »

Le danseur et chorégraphe Robert Swinston a été l’un des disciples de Merce Cunningham (1919-2009). Aujourd’hui à la tête du centre national de danse contemporaine à Angers, il rend un hommage à celui qui a marqué l’histoire de la danse par son originalité et qui aurait eu 100 ans en 2019. Robert Swinston transmet à ses interprètes deux pièces reprises mardi 12 mars au Volcan au Havre. Beach Birds (1991) est une évocation du vol des oiseaux écrite pour onze danseurs. Merce Cunningham dessine des tableaux abstraits mouvants dans BIPED (1999). Entretien avec Robert Swinston.

Quels souvenirs gardez-vous de Merce Cunningham ?

J’ai beaucoup de souvenirs de ma collaboration avec Merce Cunningham et aussi avec John Cage. Je suis un enfant des années 1960 et les temps ont changé pendant cette décennie aux États-Unis. La culture américaine a évolué avec la prise en compte de la contre-culture, en réponse à la guerre au Vietnam. Cunningham et Cage étaient amis avec John Lennon et Yoko Ono. Ensemble, ils ont cherché les possibilités de transmettre cette idée de libération des peuples, d’éveiller les consciences. J’ai passé 29 ans avec Merce Cunningham. J’ai tout d’abord été danseur au sein de sa compagnie, puis son assistant pendant 17 ans avant de devenir directeur artistique de 2009 à 2011. Avant cette collaboration, j’étais un interprète de danses classique et moderne. Cette synthèse a bien fonctionné avec l’esthétique et la vision de Cunningham et Cage qui m’ont guidé dans l’approfondissement de ce lien. Durant toutes ces années, Merce Cunningham avait une présence formidable tous les jours dans le studio. Il a toujours voulu créer un environnement favorable afin que nous puissions offrir le meilleur de nous-mêmes, surmonter les difficultés. Il était très généreux, présent dans les moments les plus douloureux. Cunningham avait pour moi la figure d’un père. Je l’adore.

photo Stéphanie Berger

Quel héritage artistique vous a-t-il laissé ?

Il m’a montré que tout était possible. Il m’a aussi appris cette capacité à toujours rebondir et continuer dans ma démarche artistique.

Comment cet héritage influence encore votre travail ?

Merce Cunningham a créé environ 200 pièces entre 1942 et 2009. Il était très curieux et avait toujours envie de travailler sur quelque chose de nouveau. En prenant comme point de départ le mouvement, ses créations sont très pures. Pour moi, l’œuvre de Merce Cunningham reste neuve en raison de cette pureté. J’insiste aussi auprès des danseurs qu’ils montrent cette unicité, leur personnalité, leur individualité.

Comment transmettez-vous tout ce bagage artistique auprès des danseurs du centre national de danse contemporaine ?

Quand je suis devenu le directeur en 2013, j’ai eu pour ambition de former une compagnie de danseurs, capables d’interpréter autant les pièces de Merce Cunningham que mes propres créations. J’ai commencé par leur enseigner la technique de Cunningham, son œuvre écrite entre les années 1960 et 1980. Aujourd’hui, nous poursuivons ce travail avec les créations des décennies 1950, 1990 et 2000.

photo Stéphanie
Photo Stéphanie Berger

Pourquoi avez-vous choisi Beach Birds et BIPED ?

J’ai toujours le même désir de partager le travail de Cunningham au public parce qu’il est empreint d’humanité. J’ai dansé dans les premières de Beach Birds et BIPED qui sont seulement une petite partie de l’histoire de Merce Cunningham mais les pièces les plus emblématiques des 20 dernières années de sa vie de chorégraphe. Dans Beach Birds, il montre tout son intérêt pour la nature. Comme il considérait qu’il était difficile de parler de la danse — elle est évanescente — il a voulu la comparer à l’eau. Une fois, Cunningham a dit : tout le monde sait ce qu’est l’eau et ce qu’est la danse mais leur fluidité les rend intangible. C’est l’une des premières danses créées avec l’usage de l’ordinateur et du logiciel Danse Forms conçu pour Cunningham. Elle est accompagnée par la musique de John Cage et est significatives de la longue collaboration entre les deux artistes. BIPED est la dernière pièce importante écrite en neuf mois selon un processus quotidien. 

https://vimeo.com/299032904

Infos pratiques

  • Mardi 12 mars à 20h30 au Volcan au Havre.
  • Tarifs : de 33 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture.
  • Réservation au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com