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Rodolphe Burger : « La voix, c’est l’âme elle-même »

photo Julien Mignot

C’est un artiste rare mais précieux. Son nom est le plus souvent associé à Kat Onoma dont il a été le leader. Rodolphe Burger confronte des univers pour enrichir le sien. Il multiplie les collaborations les plus diverses et propose un regard très personnel dans des albums solo. Good, un disque à la pochette énigmatique, est à nouveau inclassable, profond, élégant. Rodolphe Burger parle de la mort, d’amour dans des paysages sonores éthérés. Il est mercredi 29 mars au 106 à Rouen.

 

Vous collaborez avec divers artistes, menez différents projets. Comment s’inscrivent vos albums solo dans ce parcours ?

C’est vrai que je ne sors pas souvent d’album solo et que je dédie mon temps à des créations différentes. Tout est important pour moi. Tout me tient à coeur. Le spectre de mes envies est très large. Régulièrement, j’ai envie d’une aventure en solitaire. J’ai besoin de voir comment les expériences multiples se décantent, laissent des traces. Pour chaque album, je cherche quelque chose d’autre. j’ouvre de nouvelles périodes. J’ai éprouvé le même sentiment pour cet album.

 

Pouvez-vous définir ces autres choses ?

Je commence un album parce qu’il y a une chose que je cherche au départ. Des choses qui deviennent possibles alors qu’elles ne l’étaient pas auparavant. Un disque s’inscrit dans un processus de construction. C’est une matrice qui joue le rôle d’un attracteur. C’est ce qui est le plus important dans la constitution de cette matrice. J’arrive avec des envies. Pour Good, le point de départ a été les voix d’écrivains. Le but n’était de les intégrer simplement. C’était autre chose. Il y a eu aussi la rencontre avec Christophe Calpini. Nous voulions ensemble d’une collaboration depuis longtemps. Cela s’est révélé être une belle rencontre.

 

Est-ce que ces voix d’écrivains vous accompagnent depuis longtemps ?

Certains, oui, depuis longtemps. Comme Eliot qui apparaît déjà sur Hôtel Robinson. Son phrasé, sa musique à lui me fascinent. Pour d’autres, ce sont des découvertes plus récentes.

 

Qu’est-ce qui vous touche dans ces voix ?

Chez Eliot, c’est le texte, sa façon dont il le chantonne. J’aime beaucoup son accent. Je te trouve très touchant. Nous sommes plus sensibles aux voix qu’aux visages. La voix n’est pas seulement le reflet de l’âme, c’est l’âme elle-même. Quant aux écrivains, ils inventent quelque chose avec la langue, produisent du sens.

 

 

 

Toutes ces voix sont intemporelles. Quand vous citez plusieurs villes du monde, vous marquez au contraire une époque. Pourquoi ce contraste ?

C’est un morceau à part. Il fait partie de ces titres qui sont arrivés dans la dernière phase du mixage. Il n’aurait pas dû figurer sur l’album et aurait pu avoir sa vie propre. J’ai beaucoup hésité. Finalement, oui, il y est. Le fait qu’il s’inscrive dans une époque me plaît bien. A l’occasion de la sortie de No Sport, j’avais écrit Ensemble, une lettre ouverte à Sarkozy au moment de l’élection présidentielle. J’ai eu besoin de publier ce CD-track. Je l’avais fait aussi sur Egal O quand le Front national a passé les 10 %. J’ai trouvé ça très grave. Pour moi, quelque chose de terrifiant se mettait en place. Il y a eu ensuite la contamination de l’espace public. C’est aussi un mouvement d’humeur qui date.

 

Votre voix évolue selon les langues. Comment la travaillez-vous ?

Je n’ai jamais travaillé ma voix. En revanche, je constate que ma voix est différente quand je chante en français ou en anglais. c’est pour cela que le rock en français, c’est un problème. Ce n’est pas un hasard si le rock est né en anglais. Il est lié aux caractéristiques de la langue. Un opéra en italien et en allemand, ce n’est pas la même chose. Je suis intéressé par toutes les langues. J’aime beaucoup la Suisse pour cela. Dans ce petit pays, on parle trois langues. C’est génial mais je me demande si les langues ne créent pas des frontières encore plus difficiles à franchir.

 

Et le rock a ouvert les frontières.

C’est un des éléments de la mondialisation. Quand je suis allé la première fois à New York, j’ai rencontré un Portoricain qui avait toujours avec lui sa caisse de disques. Je me suis rendu compte que l’on écoutait la même chose. Je me suis demandé pourquoi qu’un mec du Bronx et un autre venu d’Alsace se retrouvaient sur la même musique. En fait, nous nous sommes projetés dans le rock qui a été une aspiration, une ouverture incroyable.

 

Vous souvenez-vous encore de vos premières sensations rock ?

Oui, c’est indélébile. Ces empreintes-là ne s’effacent jamais. Quand j’étais adolescent, ce que l’on entendait en France était insupportable. Alors, on écoutait le soir la radio sous la couverture. On entendait Jimi Hendrix, les Stones… C’était juste dingue. Un vrai contre-poison !

 

  • Mercredi 29 mars à 20 heures au 106 à Rouen. Tarifs : de 24 à 5 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
  • Première partie : Emilie & Ogden