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Serge Aimé Coulibaly au Volcan : « Un artiste doit amener une vision »

photo C. Doune

Serge Aimé Coulibaly multiplie les questions dans cette Kalakuta Republik. Fela Kuti avait fondé cet état indépendant pour les sans voix de la banlieue de Lagos. Ce qui a fortement déplu au pouvoir en place puisque l’armée nigériane l’a totalement saccagé en 1977. Le chorégraphe et danseur belgo-burkinabé s’interroge alors sur la liberté, sur l’Afrique, sur l’influent d’un leader charismatique… Avec cette pièce qu’il présente samedi 10 février au Volcan au Havre, Serge Aimé Coulibaly poursuit sa réflexion sur l’engagement politique et artistique. Entretien.

Faites-vous une différence entre votre engagement personnel et artistique ?

Je ne sais pas si je peux poser une frontière entre les deux. Je n’ai jamais réussi à séparer ma vie d’homme et ma vie d’artistes. Quand j’ai une opinion sur les choses, elle se retrouve dans mes créations. Chaque citoyen doit avoir une conscience sociale, politique, économique pour amener la société aussi loin que possible. Chacun doit mettre la main à la pâte, voir ce qu’il peut apporter. Et l’artiste peut jouer un grand rôle. Comme l’a fait Fela Kuti. Chacun de ses morceaux est un témoignage de ce qu’était l’Afrique. Il a écrit en prenant des risques parce qu’il a fait de la prison plusieurs fois. Fela Kuti n’a cessé de me nourrir. Il m’a donné la raison de faire ce métier.

Quand avez-vous découvert l’œuvre de Fela Kuti ?

J’avais 14 ans. Il passait à la télévision. A cette époque, c’est Sankara qui est au pouvoir. Fela Kuti venait présenter ses documentaires. Plus tard, lorsque j’ai commencé à écrire des chorégraphies, je l’ai rencontré à travers des vidéos sur YouTube. Pour son travail représente une bible pour moi.

Pourquoi une bible ?

Quand on regarde Fela Kuti, on voit un artiste qui voit d’abord ses rêves, qui dit ce qu’il pense et qui n’a pas peur de le faire. Pour lui, il faut faire les choses pour lesquelles on croit. Et le plus important, c’est de le faire dans la bonne humeur et dans le plaisir.

 

Est-ce que cela est devenue une utopie ?

Non. En Afrique, il y a des personnes qui osent parler. Des jeunes se mobilisent. C’est la réalité. Cette pièce est un hommage à tous ces gens. C’est cela qui m’a amené à entamer une réflexion sur le rôle d’un artiste qui n’est pas dans la même réalité. On ne peut pas se contenter de dire : nous sommes des témoins de notre société. Un artiste doit amener une vision, une manière de regarder le monde. Quand on est trop déconnecté, la société se déconnecte aussi.

Est-ce que vous vous sentez libre dans votre travail ?

On se sent plus libre quand on a les moyens de créer. Qu’on le veuille ou pas, les artistes sont dépendants financièrement. Cet argent qui nous permet de créer, c’est le nôtre et aussi celui du peuple. Cela nous donne la possibilité de rester libre.

Comment l’œuvre de Fela Kuti a inspiré ce spectacle ?

Je voulais m’inspirer de la musique de Fela Kuti. Dans ses compositions, il y a plusieurs niveaux de danse. Et je les ai toujours utilisées lors des improvisations. À un moment, je me suis demandé de quoi j’avais envie de parler. De Fela ? Ce n’était pas intéressant puisqu’il est connu. Je ne voulais pas non plus redire ce qu’il avait déjà dit. J’ai alors imaginé un spectacle en deux parties. Dans la première, en noir et blanc, j’ai voulu créer une histoire avec une danse qui ne s’arrête jamais. Ce qui fait référence à la musique de Fela.

Et la seconde, plus colorée ?

Je suis parti du lieu où Fela faisait ses discours. C’était aussi une sorte de temple où il priait. Je suis allé là-bas pour faire des recherches. Je me suis rendu compte que tout y était possible. On se retrouve ainsi dans un club à 4 heures du matin à un moment où l’artiste va chercher ses délires, sa poésie.

  • Samedi 10 février à 20h30 au Volcan au Havre. Tarifs : 23 €, 9 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com
  • Spectacle tout public à partir de 10 ans