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« Je suis dans une zone grise »

photo Martin Laporte
photo Martin Laporte

Pierre Lapointe est un artiste doué pour raconter nos vies. Auteur, compositeur et interprète québécois de 33 ans, il apporte son talent pluriel à la chanson francophone. Si le Québec a été très vite conquis – il a gagné à 20 ans le grand prix du festival international de la chanson francophone de Granby, la France a attendu quelque dix années. Pourtant, en douze ans et six albums, Pierre Lapointe a construit un univers singulier avec une pop élégante et épurée ou de riches orchestrations ou encore avec juste un piano et une voix. Avant la sortie de Paris Tristesse le 17 novembre, Pierre Lapointe joue mardi 21 octobre au 106 à Rouen.

 

C’est une belle histoire qui se poursuit avec la France aujourd’hui ?

Oui, je pense. Je ne sais pas si les Français ont une belle histoire avec moi… Il y a longtemps que je viens et, à chaque fois, il y a de bonnes surprises. J’ai toujours eu de belles réceptions.

 

Est-ce que vous avez « décodé » le public français ?

C’est un concept un peu abstrait. C’est un apprivoisement lent. Dans mon travail, je n’ai jamais adapté les choses pour la France. J’ai toujours la même approche. Lors d’un concert, nous sommes tous là pour passer un bon moment, pour sortir du quotidien.

 

Cet été, vous avez accompagné le réveil des auditeurs de France Inter avec les chroniques Les Petites Morts.

Ces chroniques sont aussi de belles surprises. Elles m’ont été proposées après mon spectacle à l’Olympia. Ce fut un exercice un peu étrange parce que je n’avais jamais fait ça. La radio n’est pas mon médium. Lors de cette carte blanche, je n’avais pas envie de me prendre pour un chanteur qui présente des chansons. J’ai eu la chance de pouvoir expérimenter, d’être associé à d’autres personnes comme Alexandre Tharaud, M, Vincent Delerm, Christophe… C’était incroyable pour moi. Ce sont des artistes que j’admire. J’étais très ému.

 

 

Paris Tristesse, votre prochain album qui sort le 17 novembre, a été enregistré en France. C’est une première pour vous.

Oui et dans cet album, j’ai mis en avant le côté mélancolique de mes chansons. Je suis rarement allé aussi loin dans la mélancolie. J’ai repris des titres de Punkt et aussi des Callas avec juste le piano. C’est vraiment un disque français. J’ai voulu le différencier des autres.

 

Pourquoi la mélancolie ? Vous savez aussi avoir beaucoup d’humour.

C’était important pour moi mais il ne faut pas rester dans une mélancolie. La vie, c’est jamais toujours tout noir ou tout blanc. Je suis dans une zone grise et je reste dans l’autodérision. En France, je ne suis pas très connu. Au Québec, je dis bonjour et cela fait les programmes des journaux. Je suis le premier à rire de cela, de ce métier, de ce décorum, de mes propres dépressions. Toute cette forme d’humour désamorce et cela crée de beaux moments.

 

Sur cet album, Paris Tristesse, il y a trois reprises, C’est extra de Léo Ferré, Le Mal de vivre de Barbara et Comme ils disent de Charles Aznavour.

Ce sont les trois chansons qui m’ont appris à écrire. Il y en a d’autres aussi mais ces trois-là se mariaient bien avec le reste de l’album.

 

D’un album à l’autre, vous multipliez les projets.

En douze ans, j’ai donné quinze spectacles concepts différents. Je suis habitué à prendre un matériel de base et à la transformer. J’aime avoir diverses lectures d’un même objet pour ressentir d’autres émotions. Je dirige le public afin qu’il soit touché autrement.

 

Lors de cette tournée, vous êtes seul avec votre piano. Est-ce qu’il a toujours été votre instrument complice ?

Je n’ai jamais voulu être un grand pianiste. Le piano m’a obsédé quand j’avais 15 ans. J’ai appris tout seul pour sortir les mélodies que j’avais dans la tête. Quand je suis venu au monde, je crois que je pensais en musique. Pour moi, c’était libérateur d’avoir un piano. J’ai passé des heures et des heures à jouer des notes. C’est cela que le public ressent lorsque je suis seul au piano. Il y a une symbiose avec l’instrument. Mais cela a pris beaucoup de temps parce que je manquais de confiance. J’ai dû accepter que je n’étais pas un grand pianiste mais un interprète.

 

Quel rapport avez-vous avec le public lorsque vous êtes seul au piano ?

Le même que d’habitude. J’ai toujours abordé mes spectacles comme si j’étais dans un salon. Et j’ai toujours eu beaucoup de plaisir à faire comme cela. Il y a des moments magiques qui se créent. J’aime ces rapports décoincés, spontanés avec le public.

 

 

  • Mardi 21 octobre à 20 heures au 106 à Rouen. Tarifs : de 20 à 5 €. Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com