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Quand les brûlures laissent des traces

Brûler, dirent-elles est une exposition collective à voir jusqu’au 28 juillet à la galerie Duchamp à Yvetot. Jérôme Poret y expose Cives, laques et Phonogravure de mâchefer comme des ombres sonores.

Quand Jérôme Poret découvre en 2016 le Shed, centre d’art contemporain à Notre-Dame-de-Bondeville, il s’imprègne de l’histoire de cet ancien site industriel et s’intéresse à la présence de mâchefer étalé sur le sol. « Ils étaient par terre, avec des cailloux. Je trouvais qu’ils avaient des formes curieuses. Ces déchets ultimes sont un mélange de matériaux lourds, de briques portés en fusion pendant des mois. Cela devient une sorte de magma qui finit dans les sentiers ». 

Ce pan de l’histoire renvoie l’artiste à une autre période, celle durant laquelle les disques étaient fabriqués en verre, puis recouverts pour être gravés. « J’ai appris aussi que cet endroit était surnommé La Petite Vallée de Manchester ». Une association d’idées après une rencontre avec Jean-Pierre Turmel, co-fondateur du label de musique industrielle, Sordide Sentimental, à Rouen.

Il a fallu de nombreuses recherches et tests pour réaliser Phonogravure de mâchefer, ces Cives et Laques, présentées jusqu’au 28 juillet à la galerie Duchamp à Yvetot. Jérôme Poret a alors fait appel au Cirva (centre international du verre et arts plastiques) à Marseille. « Il est impossible de faire fondre le mâchefer, comme de l’incorporer au verre qui le considère comme un corps étranger. Donc, il éclate ». Phonogravure de mâchefer est une série de disques en résine, semblables aux vinyles 33 tours, incorporés de résidus. Les quatre Cives et Laques sont des disques d’un noir saturé en verre soufflé et acétate gravés pour écouter les sons produits par les brûleurs d’un ancien four à gaz. Ces disques sont le témoin d’un savoir-faire et d’une histoire industrielle, celle de la transformation du verre et de l’évolution du disque.

Une exposition collective

Cette exposition à la galerie Duchamp à Yvetot, Brûler, dirent-elles, en référence au Détruire, dit-elle de Marguerite Duras, est le fruit d’une réflexion avec un collectionneur à la recherche d’une « œuvre qui brûle les yeux, le regard. Cela suppose une relation émotionnelle à l’art qui doit être intense, instinctif ». Julie Faitot, directrice du lieu, a « joué » avec ce mot, brûler, en réunissant douze artistes. Anita Molinerao s’interroge sur l’usage du plastique en travaillant au chalumeau des plots routiers, des phares de voiture qui deviennent de vireux chewing-gums dégoulinants. Sophie Dubosc poursuit son travail de moulage à partir de la cendre. Les Derniers seront les premiers réunit des verres, des coupes, des assiettes dans une scène conviviale. Après un voyage dans le désert de Sedan aux États-Unis, Victoria Sedan a reproduit le cratère nucléaire qu’elle n’a pu voir dans J’ai du plâtre dans la bouche quand je veux te parler. 

Sur une vidéo, Untitled Silueta Series, Ana Mendieta crée dans des paysages des silhouettes qu’elle met ensuite en feu. Quant à Anne-Valérie Gasc, elle a filmé dans Démocratie, une barre d’immeubles en pleine démolition créant un champignon de poussières. Arman raconte le monde dans son Cadre brûlé et Raphaël Denis fait référence aux autodafés pendant la Seconde Guerre mondiale dans Vernichtet (anéanti en allemand). 

Les brûlures laissent des traces. Elles sont le début ou la fin d’une histoire. Elles peuvent être douloureuses, silencieuses et aussi audacieuses.

Infos pratiques

  • Jusqu’au 28 juillet, du mercredi au dimanche, de 14 heures à 18 heures, à la galerie Duchamp à Yvetot.
  • Entrée libre.
  • Renseignements au 02 35 96 36 90 ou sur www.galerie.duchamp.org