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Théâtre à DSN : le Théâtre en Diagonale rejoue l’interview de Brel et Chancel

C’est la dernière interview de Jacques Brel. Le Théâtre en Diagonale s’empare de cette matière sonore dans une Radioscopie singulière samedi 21 avril à la scène nationale de Dieppe lors du temps fort sur la fragilité.

C’était le 21 mai 1973. Jacques Brel est l’invité de Radioscopie, la célèbre émission de Jacques Chancel. Le chanteur donne alors sa dernière interview. Il est au festival de Cannes pour présenter Le Far West, son deuxième film sur le voyage de deux enfants vers un pays lointain. « Il vient de se prendre un caramel monstrueux. Pire : la presse n’en parle même pas. Il arrive avec cette petite fable qui n’est pas un chef-d’œuvre et il est au fond du trou. Il est très malheureux et ne sait plus ce qu’il veut faire. A certains moments, il est même incapable de répondre aux questions. Entre les deux hommes, il y a une connivence dans les écoutes et dans les silences ».

Philippe Labonne, le metteur en scène du Théâtre en Diagonale a puisé dans cette matière sonore pour créer sa Radioscopie qu’il joue avec Yann Karaquillo et Laurent Rousseau samedi 21 avril au Drakkar à Neuville-lès-Dieppe. « Cette émission est incroyable. Elle est un précis d’une philosophie de vie qui n’est pas de la philosophie de comptoir. Brel a une langue hallucinante. C’est tout simplement beau ». Le chanteur parle de l’enfance dont il a du mal à sortir. « Il n’a pas coupé ce lien. Il ne peut pas être un adulte, être père. Il ne cesse de dire : entre 17 et 20 ans, tous les rêves sont en tête. Après, on essaie de les réaliser ou pas ». La scène ? Une véritable torture pour cette star internationale. « Il ne peut plus y monter. Cela fait dix ans qu’il a arrêté. Il a peur. Ce n’est pas naturel d’aller chanter devant un public. Il est malade avant chaque concert. Au bout d’un moment, ce n’est plus possible ». L’écriture ? Elle demande trop d’énergie. « C’est trop épuisant pour lui. Brel ne la conçoit qu’épuisante et difficile. Là aussi, il vaut mieux arrêter parce qu’il est face à l’abîme ».

Le trio de scène, emmené par Philippe Labonne recrée cette Radioscopie dans laquelle Jacques Brel montre ses failles, son extrême fragilité. Ce spectacle n’est surtout pas une incarnation. « Ce n’était pas possible. Nous faisons comme les enfants : et si on jouait à Radioscopie… Durant la pièce, on change de rôle », explique le metteur en scène. Les trois comédiens recréent les moments de complicité entre Brel et Chancel et surtout cette atmosphère intime qu’offre la radio.

  • samedi 21 avril à 20 heures au Drakkar à Neuville-lès-Dieppe. Tarif : 12 €. Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr

 

Brel, une découverte tardive

Philippe Labonne n’était pas un grand fan de Jacques Brel. Jusqu’à ses 23 ans. « J’écoutais plutôt Led Zeppelin… J’avais un copain qui n’arrêtait pas de m’agacer avec Brel. Le lendemain matin du réveillon du nouvel an, il m’a eu. On lui avait offert l’intégrale de Brel. Il m’a fait écouter La Fenêtre. Et il a gagné. J’ai tout écouté. Pas une chanson n’est à jeter. Brel a une langue qui claque. Il est devenu le seul artiste dont je peux écouter l’intégralité de l’œuvre ».

Cette Radioscopie de Jacques Chancel et de Jacques Brel lui a permis de découvrir l’artiste et l’homme. « J’adorais cette émission ». Comme la radio, un média avec lequel il a grandi et qui cultive l’imaginaire. « Petit, j’ai été malade pendant trois semaines. Comme mes parents travaillaient, j’étais seul chez moi et j’écoutais la radio. Chez moi, il y a un poste dans toutes les pièces ».