/

Théâtre à DSN : le portrait d’une bourgeoisie égoïste

leonieestenavanceLéonie est sur le point de donner naissance à son premier enfant. Au bout de 8 mois de grossesse. Léonie est en avance… Titre d’une pièce en un acte de Feydeau (1862-1921) que joue la compagnie Rosa M mercredi 30 novembre à la scène nationale de Dieppe. Cet accouchement est l’occasion de mettre au jour des tensions, des frustrations, les aigreurs trop longtemps tue. Léonie de Champrinet a épousé Julien Toudoux, un garçon sans charme et surtout portant un nom sans particule. Feydeau dresse le portrait d’une petite bourgeoisie égoïste et médiocre. Avec Léonie est en avance (que l’amour doit être doux), le metteur en scène Thomas Gaubiac revient à Feydeau huit ans après Le Dindon. Entretien.

 

Pourquoi les écrits de Feydeau vous intéressent ?

J’ai pas mal fréquenté cet auteur ces dernières années. Il m’intéresse par sa cruauté. Il dit des choses féroces sur le monde dans lequel on vit avec le goût de la distance et avec humour. Pourtant, il est considéré comme un auteur de divertissement. J’avais vraiment envie de le retrouver.

 

Pourquoi avez-vous choisi cette fois-ci Léonie est en avance ?

C’est un de ses derniers textes et il ne fonctionne pas du tout comme ses pièces en trois actes. Dans Léonie est en avance, on se retrouve dans un espace intime où tous les personnages sont d’une grande cruauté. Ils vont l’exercer sur un protagoniste qui est le réceptacle de toutes les rancœurs. Le système dans lequel ils vivent fonctionne sur les intérêts de chacun, la quête de pouvoir qui engendre de la frustration. Dans tout cela, il n’y a pas d’amour. Le système est mortifère, se désagrège. L’électricité ne marche plus. Le téléphone, non plus. On est proche du burlesque.

 

A quelle époque situez-vous la pièce ?

Je l’ai déplacée, je pense, dans les années 1970. Il y a un intérieur avec un vieux papier des années 1940-1950, avec des objets de différentes époques. Quant aux comédiens, ils portent des costumes des années 1970. On est dans la France giscardienne. Je me suis d’ailleurs beaucoup amusé avec les éléments de communication qui ne fonctionnent plus aujourd’hui.

 

On parle souvent de la mécanique Feydeau. Quelle est la vôtre ?

Les personnages sont obsédés par le temps. A l’intérieur du groupe, la parole circule très vite. Les phrases collent les unes aux autres parce que tous sont à cran. C’est une cellule de crise. Ils sont tous là pour des raisons différentes mais ils sont tous dérangés. En fait, l’annonce d’un heureux événement les exaspère.

 

Est-ce que la folie les guette ?

Les personnages ne sont pas loin de la folie. J’ai une écriture précise sur les corps, un peu chorégraphiée. On n’est pas loin de Pierre Etaix et Tati. Tout est donc cadré, sur un fil parce qu’ils sont des figures clownesques. Chez elles, il y a beaucoup de méchanceté. Il y a un déchainement de violence et, pas beaucoup d’espoir. Mais ils sont tous responsables de tout cela.

 

Mercredi 30 novembre à 20 heures à la scène nationale de Dieppe. Tarifs : de 23 à 10 €. Réservation au 02 35 82 04 43 ou sur www.dsn.asso.fr