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Théâtre à la MDU : comprendre le monde de l’autre

photo Pierre Abensur

Yan Duyvendak et Omar Ghayatt mêlent politique, humour et dérision dans Still in Paradise. Dans leurs dialogues mis en scène, ils pointent les incohérences, déjouent les peurs. A voir mardi 17 et mercredi 18 octobre à la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan avec le CDN de Normandie Rouen.

« Nous avons commencé avec beaucoup de méfiance et d’a priori. Sans nous en rendre compte. Nous ne nous connaissions pas et nous avions notamment des a priori sur la manière de travailler. Au fil du temps, nous avons appris à regarder tout cela en face. De son côté, Omar avait le droit de se demander quel était le sens de cette invitation ». Yan Duyvendak a entamé avec Omar Ghayatt en 2008 un long travail sans cesse renouvelé.

Le premier est hollandais, le second, égyptien. Tous deux, performeurs, ne portaient pas vraiment les mêmes convictions. Tant mieux. C’était ainsi une occasion de commencer un dialogue. « Le point de départ, c’est la rencontre avec l’autre, entre le Proche Orient et l’Occident ». Aujourd’hui, « nous avons digéré tous les problèmes et nous entretenons des relations d’amitié. Ce qui est fou, c’est que nous sommes toujours là et nous avançons ».

Ils avancent surtout avec un spectacle, présenté mardi 17 et mercredi 18 octobre à la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan. Still in Paradise est le fruit des discussions entre les deux hommes, une suite de « fragments », sorte de saynètes sur un sujet vivement débattu. « On ne peut pas faire un tour complet sur les problèmes entre le Proche Orient et l’Occident. Nous préférons les aborder par petits bouts. Ce qui nous a permis de faire évoluer la pièce ».

Avec la participation du public

Dans leur chapeau, il y en a douze fragments, des Printemps arabes au regard porté sur les musulmans en passant par la burqa, la prière… « Il y a des histoires racontées et aussi des expériences vécues ». Le public vote à main levée pour choisir cinq fragments qu’il souhaite voir jouer. Il y en aura un sixième. Celui-là est imposé. « Nous l’offrons. C’est le dernier que nous avons écrit. Il porte sur l’accueil des réfugiés. Avec Omar, nous n’étions pas d’accord. Pour lui, il faut encourager les personnes à rester dans leur pays et résoudre leurs problèmes. Moi, je défends cet accueil. Je suis même allé travailler à Calais », explique Yan Duyvendak.

Avant le spectacle, chaque spectateur est invité à se déchausser. « Cela nous semblait approprié parce que nous partageons le même espace, le même temps, la même lumière. Enlever ses chaussures, c’est le moment le plus difficile. C’est comme enlever quelque chose de soi mais tout le monde est au même niveau. C’est important pour aller à la rencontre de l’autre ». La participation du public ne s’arrête pas là. Chacun peut prendre la parole dans certains fragments. Et ça, ce n’est pas obligatoire.

Après Made in Paradise, Still in Paradise est unique à chaque représentation. Il invite à la réflexion, à faire disparaître quelques préjugés depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. « Nous avions fait une pause dans les représentations en 2013. Un an plus tard, nous avons perçu quelque chose de différent. Avant, on avant peur de l’Islam. Aujourd’hui, c’est une religion que l’on déteste. Nous avons donc remis la main à la pâte. Avec le retour des attentats, il y a eu une cristallisation. Cette société occidentale s’est dépêchée de recréer un ennemi. Le musulman est devenu un bouc-émissaire », remarque Yan Duyvendak. Les deux artistes représentent chacun une partie du monde et mettent en scène ces dialogues pour déjouer les peurs. Sans toutefois occulter les contradictions.

  • Mardi 17 et mercredi 18 octobre à 20 heures à la Maison de l’Université à Mont-Saint-Aignan. Tarifs : 14 €, 9 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 70 22 82 ou sur www.cdn-normandierouen.fr