/

Théâtre au CDN : un héritage colonial lourd à porter

photo Simon Gosselin

C’est l’histoire de la chute d’un homme dans une société qu’il ne comprend plus. Bouleversé par cette histoire de Disgrâce, le metteur en scène Jean-Pierre Baro adapte pour la scène le roman de  Coetzee. A voir du 20 au 23 mars au CDN de Normandie Rouen.

photo Simon Gosselin

David Lurie a 52 ans. Il est blanc. Il enseigne la littérature romantique à l’Université du Cap et entretient une liaison amoureuse avec une de ses étudiantes, Mélanie, qui l’accuse de harcèlement sexuel. A cette époque-là, l’Afrique du Sud sort de l’Apartheid. Voilà le professeur en commission disciplinaire pour répondre de ses actes. Là, il refuse de se défendre, démissionne et se refuge chez sa fille dans une ferme située en pleine campagne. Parce qu’il ne comprend plus ce pays en pleine transformation. La chute de cet homme est aussi celle d’une société.

Dans Disgrâce, John Maxwell Coetzee, prix Nobel de littérature en 2003, évoque la chute d’un homme et la situation du pays dans lequel il a vécu, « le centre nerveux du colonialisme et l’exemple le plus probant d’un système colonial et répressif ». Jean-Pierre Baro a été « troublé » à la lecture de ce roman politique et intime. « Ce trouble, c’est la pensée. Coetzee pose des questions essentielles quand il évoque le choix d’un homme ». Le metteur en scène a toujours préféré se pencher sur des textes bouleversants. « Le théâtre est là pour faire ressentir des émotions ».

« Penser l’histoire »

Dans l’ouvrage de Coetzee, il y a tout d’abord la question coloniale. L’auteur « parle certes de l’Afrique du Sud mais cela nous ramène à notre propre histoire, notamment à l’Algérie. Je suis très atteint par les actes terroristes perpétués en France. Cela m’a amené à m’interroger sur notre passé colonial. Comment de jeunes Français d’origine algérienne ont pu commettre de tels attentats ? Je sais que tout n’est pas qu’une question coloniale mais il y a une responsabilité que nous n’avons pas prise. Prendre la responsabilité d’un acte, c’est penser l’histoire ». Disgrâce, c’est aussi l’histoire d’une vengeance, de la domination, « celle des hommes sur d’autres hommes, des hommes sur les femmes, des blancs sur les noirs ».

À la lecture de ce roman, Jean-Pierre Baro a ressenti un désir profond de l’adapter pour le théâtre. « C’est la première fois que je fais un tel travail, que je me projette en amont dans la mise en scène. Adapter, c’est déjà mettre en scène ». Pour Jean-Pierre Baro, cette création ne devait pas être un théâtre de récit. « Le théâtre, c’est de l’action. Il a fallu aussi sortir l’émotion où elle est », révéler un personnage complexe, « égoïste qui se place au-dessus de la morale. Il faut donc aller chercher sa part d’humanité ». Disgrâce questionne les agissements des êtres dans un monde où les uns humilient les autres. A un moment, il faut en payer le prix.

 

 

  • Mardi 20, mercredi 21 et jeudi 22 et vendredi 23 mars à 20 heures au théâtre des Deux-Rives à Rouen. Tarifs : 14 €, 9 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 70 22 82 ou sur www.cdn-normandierouen.fr
  • Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du mercredi 21 mars