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Théâtre au CDN : les dernières heures d’un tueur en série

photo Arnaud Bertereau

C’est l’histoire d’un terroriste et aussi celle d’un jeune homme de 20 ans qui préfère la mort à la vie. Moi, la mort, je l’aime, comme vous aimez la vie est un texte de Mohamed Kacimi, mis en scène par Yohan Manca, qui revient sur la conversation entre Mohamed Merah, terré dans son appartement, et un policier. C’est du 5 au 9 décembre au CDN de Normandie Rouen.

« Ce n’est pas une partie de plaisir ». Pour Yohan Manca, pas de folles envies mais une absolue nécessité de porter à la scène la pièce de Mohamed Kacimi, Moi, La Mort, je l’aime, comme vous aimez la vie. « C’est un devoir de mémoire. J’ai commencé à travailler sur ce texte peu de temps après les attentats à la rédaction de Charlie Hebdo et aussi ceux perpétrés dans le musée en Tunisie. C’est important de ne pas se boucher les oreilles. Aujourd’hui, on a plutôt tendance à se faire anesthésier les cerveaux ». Le théâtre est là pour éclairer, apporter des éléments d’explication sur la société contemporaine. Le comédien et metteur en scène, nouvellement installé à Rouen, n’envisage pas le théâtre autrement. « En tout cas, pas maintenant. Pas à mon âge (il a 27 ans, ndlr). Le théâtre doit être politique, social. Il ne peut résonner ailleurs. Et il n’y a pas de sujet tabou ».

Pas pour tout le monde. Moi, la mort, je l’aime, comme vous aimez la vie, a fait polémique lors de sa création au festival d’Avignon durant l’été 2017. Certains ont vu dans les écrits de Mohamed Kacimi l’apologiste de l’islamisme ou du terrorisme. Ce texte est le portrait de Momo, un jeune homme de 23 ans qui vient d’un quartier en difficulté et d’une famille déchirée. On comprend vite que Momo est Mohamed Merah, auteur des tueries à Toulouse et Montauban en mars 2012. « C’est un enfant qui a grandi avec les valeurs de la république. Il y a donc un malaise. Comment peut-on avoir une telle haine de la société pour aller jusqu’à se faire péter ? Il est mort avec 70 balles dans le dos ».

« Une rencontre avec une émotion »

Pour écrire ce texte, joué du 5 au 9 décembre au CDN de Normandie Rouen, Mohamed Kacimi a repris la retranscription de la conversation échangée entre Mohamed Merah, retranché dans son appartement, et les policiers. Pour Yohan Manca, il y a tout d’abord eu « une rencontre avec une émotion. Une émotion particulière parce que je suis entré dans l’humanité de ce monstre. Et ce n’était pas normal ».

Impossible d’avoir de l’empathie pour un tel personnage. « On ne peut pas l’aimer. Ce peut être génial de jouer un méchant. Là, non ». Quant à l’écrit de Mohamed Kacimi, « on y rentre petit à petit. Il est tellement froid, abrupt, frontal. Il n’y a pas de poésie. C’est tellement éprouvant. C’est atroce de dire ces mots-là », confie Yohan Manca. Moi, la mort, je l’aime, comme vous aimez la vie revient sur les négociations entre Merah et la police, divulgue quelques éléments de l’enquête comme la cachette des armes. Mais pas seulement. Merah évoque aussi son enfance, sa famille, les jeux vidéo, les pizzas… Tant de sujets qui humanisent un jeune homme de 23 ans, complètement paumé, devenu un criminel. Mohamed Kacimi « ne donne pas de réponse mais ouvre des cheminement de pensée. Pour éviter que cela recommence. Souvent on préfère se dire que ce sont des monstres plutôt que d’essayer de comprendre ». Quand on rappelle à Yohan Manca la phrase de Manuel Valls : « expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser ». Le metteur en scène n’hésite pas : « c’est la phrase la plus bête du monde ».

Moi, La Mort, je l’aime, comme vous aimez la vie est un huis-clos, « un écrin noir ». Deux hommes, interprétés par Yohan Manca et Charles Van de Vyver, se parlent avec une froideur déconcertante dans une mise en scène épurée. Dans ce spectacle, ce sont les mots que le metteur en scène souhaite avant tout faire entendre.

  • Mardi 5, mercredi 6, jeudi 7 et vendredi 8 décembre à 20 heures, samedi 9 décembre à 18 heures au Rexy à Mont-Saint-Aignan. Tarifs : 14 €, 9 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 70 22 82 ou sur www.cdn-normandierouen.fr
  • Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du mercredi 6 décembre