/

Transmettre sur le plateau

photo Elizabeth Carecchio
photo Elizabeth Carecchio

C’est une première : Joël Pommerat, dramaturge discret, met en scène cinq jeunes filles et garçons dans un texte d’un autre auteur. Pour cette expérience artistique inédite, le fondateur de la compagnie Louis Brouillard a choisi Une Année sans été de Catherine Anne qui aborde l’entrée dans l’âge adulte à l’aube de la Première Guerre mondiale. Juste après la création à Douai, Une Année sans été est présenté du 15 au 17 janvier à La Foudre à Petit-Quevilly, les 13 et 14 février au Rayon vert à Saint-Valery-en-Caux.

 

 

 

Vous êtes-vous souvent interrogé sur la transmission ?

C’est une question que je me suis posé. Je n’y réfléchis pas de manière continue mais j’ai des avis. J’y ai été confronté parce que l’on m’a sollicité pour travailler dans des écoles. J’ai toujours été embarrassé. Pour moi, animer un atelier n’est pas la meilleure manière de faire. Il y a deux ou trois ans, j’ai envisagé de monter une structure au sein de la compagnie pour aider, accompagner de jeunes artistes au delà d’un spectacle. Cette création est un peu le produit de cette réflexion et de cette expérience avortée.

 

Qu’avez-vous transmis ?

Je peux transmettre une expérience. Je peux faire profiter d’une expérience, d’un savoir et non d’un savoir-faire. Une expérience, c’est une quantité de temps qui m’a enrichi, qui me permet de pouvoir parler, de donner des conseils, des avis.

 

Renouvellerez-vous cette expérience ?

J’envisage de la renouveler tous les trois ans. C’est une façon de prolonger cette action d’accompagnement, de transmission.

 

Comment avez-vous travaillé avec ces jeunes comédiens ?

Créer un spectacle, c’est confronter des gens à un processus de création, les mettre en situation de responsabilité. Quand il est sur scène, un acteur est là pour de vrai. Il est responsable de son travail. Même pendant les répétitions. Nous avons travaillé sur le rapport au rôle, au spectacle. A l’école, tout cela est biaisé par nature.

 

Est-ce que Une Année sans été de Catherine Anne est un choix collectif ?

Non, ce n’est pas un choix collectif. En fait, j’avais rencontré et travaillé avec une partie de cette équipe dans une école. Je lui avais parlé de ce texte et elle avait pris l’initiative de le monter. J’ai pris la suite de ce qui avait été entamé.

 

Qu’aimez-vous dans ce texte de Catherine Anne ?

J’aime beaucoup ce texte. Il est très simple. Il met en scène de jeunes personnes. Il est aussi inspiré de Rilke. Il aborde la question artistique : qu’est-ce qu’être un artiste ? Qu’est-ce que faire l’artiste ? Les questions existentielles et artistiques sont mêlées. Pour ce projet, j’ai considéré qu’il allait très bien.

 

Est-ce que ce texte vous permet d’évoquer pour la première fois des interrogations liées à l’intime ?

Ce terme de l’intime est une notion difficile à circonscrire. Qu’est-ce l’intime au théâtre, dans l’art ? Est-ce parler de soi ? Lorsque l’on met en scène, où sont les frontières du domaine de l’intime ? Je pense que ce texte parle des sentiments. Par ailleurs, dans mes pièces, je m’intéresse à ce qui fait interrogation au delà des individu, de l’individualité. Je pose des questions générales. En même temps, je mets en scène des moments d’intimité. Je m’approche au plus près de la personne. Peut-être que mon propos est ailleurs. Là, il ne serait pas ailleurs ou pas dans le même ailleurs que le mien.

 

Est-ce plus confortable de mettre en scène un texte que vous n’avez pas signé ?

Non, c’est complexe parce qu’il faut faire avec un objet qui n’est pas le sien. C’est à la fois délicat et passionnant. Ce qui a été cependant confortable, c’est que le texte existait. J’ai apprécié ce confort, le fait de ne pas devoir me couper en deux, être à la fois écrivain et metteur en scène. Pour moi, ma nécessité est ailleurs. Elle se situe dans l’acte d’écriture même si je n’écris pas de manière traditionnelle. C’est là que je me nourris le mieux, que je m’exprime le mieux, que je touche au plus près ce que je cherche de manière artistique.

 

Le texte de Catherine Anne parle d’une époque de la vie, l’entrée dans l’âge adulte. Est-ce un moment que vous avez aimé ?

Je peux dire qu’il y a quelque chose qui me touche. Il n’y a pas de nostalgie. Je suis passé par ce moment où les personnages de ce texte sont à la recherche d’autonomie, de repères… A travers eux, j’ai été confronté à une période particulière de ma vie. Face à cela, on ne peut rester neutre.

 

  • Mercredi 15, jeudi 16 et vendredi 17 janvier à 20 heures au théâtre de La Foudre à Petit-Quevilly. Tarifs : 13 €, 9 €. Réservation au 02 35 03 29 78 ou sur www.scenationale.fr
  • Jeudi 13 février à 19h30 et vendredi 14 février à 20h30 au Rayon vert à Saint-Valery-en-Caux. Tarifs : de 18 à 10 €. Réservation au 02 35 97 25 41.