Florent Marchet : « écrire, c’est un des chemins de réflexion que je peux emprunter pour trouver du sens à ma vie »

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Sur le visuel, il y a, sous un ciel bleu, une maison avec les portes et les fenêtres ouvertes, un barbecue fumant, une guirlande de fanions, un chien et une famille. Tout est prêt pour une Garden Party, titre de l’album. Florent Marchet raconte l’envers de ce décor coloré et joyeux. Il a écrit 11 chansons pour scruter les sentiments, évoquer la complexité des rapports au sein de la famille avec les joies et les souffrances, les liens avec les enfants, les amis, les apparences… Florent Marchet donne à ce disque une dimension intimiste et mélancolique. Il sera mercredi 23 novembre au Tetris au Havre pendant le festival Piano is not dead et samedi 10 décembre au Kubb à Évreux. C’est un concert en forme de spectacle avec une alternance de chansons et de « mini sketches ». Entretien avec Florent Marchet.

Pensez-vous que les écritures pour des musiques de film et celle d’un roman a eu une influence sur le travail de cet album, Garden Party ?

Oui, forcément. J’ai du mal à être mono tâche. Comme je n’aime pas manger la même chose ou m’habiller de la même manière tous les jours. C’est pareil dans ma façon de m’exprimer. J’ai passé du temps à l’écriture d’un premier roman. Avant, il y a eu quelques nouvelles qui n’ont pas été publiées. Un deuxième roman est également écrit. Puis, j’ai ressenti le besoin de parler de la famille — cela fait partie de mes préoccupations de quarantenaire — à travers les chansons. C’est le médium qu’est apparu le plus juste. Il y a en effet un lien avec le roman. Sur les trois dernières pages, il y a ces questions. C’est quoi être parent ? Que doit-on transmettre à l’autre ? De quoi héritons-nous ? Toutes ces interrogations sont nécessaires pour moi. Au départ, je ne voulais pas forcément composer un album pour ne pas me retrouver dans cette machine économique et industrielle qui ne me plaît pas beaucoup. Mais, depuis le début, je fais les choses parce qu’elles sont nécessaires, vitales. C’est ma façon de trouver du sens à ma vie.

Est-ce que jouer de la musique ou chanter vous manquait ?

C’est vrai, il y a cette reconnexion au chant qui s’est faite de manière concomitante. Pendant ces années, j’ai cependant chanté sur des lectures. J’ai aussi une amie, chanteuse lyrique, qui fait du coaching vocal. Elle m’a souvent proposé de venir assister à des séances de travail. Je n’en avais pas vraiment perçu l’intérêt. Puis j’y suis allé et j’y ai pris beaucoup de plaisir. Je suis allé explorer des territoires nouveaux de mon intimité. Cet album est relié également au souhait de raconter une histoire. Comme dans les films. Je peux en effet le faire via la littérature mais je trouve que la chanson est un médium plus complet. Quand plusieurs titres ont été écrits, je les ai juste chantés à mes proches. C’était une façon de communiquer. Je n’avais pas vraiment envie de les enregistrer mais surtout de les chanter. Puis c’est devenu une évidence. Même si je devais me confronter à cette industrie. Plus j’avance dans la vie, plus je suis connecté à ce que j’étais à l’âge de 10 ans.

Que voulez-vous dire ?

On le sait, il faut gagner sa vie. Je préfère gagner moins et faire ce dont j’ai vraiment envie. Dans cette société de consommation, on a cassé le monde intérieur. Or quand on est connecté à ce monde intérieur-là, on a besoin de beaucoup moins de choses. Là, je me sens à mon endroit.

Pourtant, vous chantez vous « prendre la vie en pleine dents ».

Je ne suis pas naïf. J’observe le monde tel qu’il est. Et ce n’est pas réjouissant. Le plus important, c’est se réaliser, effectuer un travail introspectif qui va faire de nous des personnes capables de communiquer davantage avec les autres et de trouver un sens à la vie. Je l’ai trouvé et j’ai gagné en tolérance. C’est encore perfectible. Cela reste un de mes moteurs pour arriver à m’épanouir dans ce monde ultra-libéral et violent où on court vers des chimères et détruit des écosystèmes et où les plus riches appauvrissent les plus pauvres. Il est essentiel de construire autour de soi et avec ses proches. Écrire, c’est un des chemins de réflexion que je peux emprunter pour donner du sens à ma vie.

Gardez-vous néanmoins une part d’insouciance ?

Je n’ai pas d’insouciance mais je peux vivre des moments de légèreté. J’ai conscience que tout peut s’arrêter demain. Donc il faut que je profite au maximum des gens qui sont autour de moi. 

À quel moment avez-vous pris conscience de la fragilité des choses ?

Je lis, j’observe, je discute. Je vois bien ce qui peut arriver. Pour cet album, j’ai eu envie de raconter des trajectoires tragiques. C’est une façon pour moi d’appliquer la méthode Coué. Je me dis : attention, tu as de la chance mais tu ne t’en rends pas toujours compte. Il est important d’avoir cette exigence, cette reconnaissance.

Est-ce pour cette raison que vous regardez en fait ce qui se passe derrière cette maison dessinée sur l’album ?

Oui parce qu’il y a des familles qui se trouvent parfois préoccupées seulement par leur vitrine. On a l’impression qu’elles vont bien. En réalité, à l’intérieur, ça crie. Il se passe des choses violentes. Comme on ne voit pas toujours qu’une personne est dépressive. Dans cette société, on nous intime de ne pas montrer nos failles, donc présenter une vitrine irréprochable. Sur le visuel, c’est une famille — la mienne en l’occurence — devant une maison avec un bout de jardin. Souvent dans ces zones pavillonnaires, les gens n’échangent pas, ne vont pas les uns vers les autres. Je trouve cela terrible et inquiétant. D’autant que l’on nous faire croire que le bonheur, c’est le rempli sur soi.

Sur cette image, il y a un côté irréel. On ne peut être dupe.

Oui, parce que c’est un dessin. J’ai hésité à faire une pochette naturaliste. Là, j’ai mêlé les deux pour justement ne pas être dupe.

Dans cet album, le piano est très présent. Pourquoi ce choix ?

Le piano a été mon compagnon pendant très longtemps. Je l’ai beaucoup étudié. Puis la guitare est arrivée. Pour cet album, je voulais jouer du piano comme de la guitare. De manière brute. Quand j’ai commencé à écrire, tout est venu au piano. J’ai aussi tout enregistré en piano-voix et ajouté ensuite les arrangements. Ce disque s’est en effet construit autour du piano, même des pianos que j’ai customisés. J’ai bricolé avec des clous, des balles de ping pong… Je les ai mutés. J’ai préparé des instruments afin que ma voix passe mieux. Je suis un raconteur avant tout. Pour cela, il me fallait l’écrin idéal.

Infos pratiques

  • Mercredi 23 novembre à 20 heures au Tetris au Havre. Première partie : Coline Rio. Tarifs : de 20 à 12 €. Réservation au 02 35 19 00 38 ou sur www.letetris.fr Des places sont à gagner
  • Samedi 10 décembre à 20 heures au Kubb à Évreux. Tarifs : de 25 à 10 €. Réservation au 02 32 29 63 32 ou sur www.letangram.com