Martine-Émilie Jolly, la fille du bord de mer

photo : Martine-Émilie Jolly

L’exposition Gestes et Sublimations, présentée jusqu’au 22 février à la Maison des arts Solange-Baudoux à Évreux, explore les interactions complexes entre l’humain, le paysage et les espaces portuaires. Martine-Émilie Jolly, photographe et vidéaste, propose une immersion sensorielle et réflexive dans son univers artistique.

Originaire des Hauts-de-France, Martine-Émilie Jolly s’intéresse depuis trente ans à la relation entre l’homme et son environnement et s’inscrit dans une démarche artistique hybride, à la croisée du documentaire et de l’exploration plastique. Si ses premières œuvres s’attachaient à capter le ciel et les nuages, son regard s’est progressivement tourné vers la mer et ses marges. Les zones portuaires, avec leurs formes géométriques et leurs contrastes industriels, sont devenues des motifs récurrents de son travail. L’artiste arpente les côtes européennes, de Dunkerque à Oslo en passant par Le Havre et Rotterdam, à la recherche des traces de l’humain dans ces lieux où le gigantisme des infrastructures efface presque la présence physique.

Dans ses séries photographiques, les cargos aux parois immenses dessinent des horizons artificiels, tandis que les camions et grues tracent au sol une cartographie industrielle faite de neige, de rouille et d’huile. Ce sont des paysages marqués par l’absence, où l’humain n’apparaît qu’à travers ses empreintes, ses constructions et parfois ses disparitions. « Dans mon travail, il n’y a pas d’humains visibles, mais leurs traces sont partout. »

Une dualité

L’exposition, Gestes et sublimations à voir jusqu’au 22 février à la Maison des arts Solange-Baudoux à Évreux, reflète cette dualité entre l’immensité des paysages et l’intimité qu’ils véhiculent. Dans la grande salle tamisée, les œuvres portuaires jouent avec la lumière, créant un espace où le spectateur est invité à ressentir une proximité inédite avec ces espaces monumentaux. L’artiste explique que « même un grand paysage peut être vécu dans l’intimité », une réflexion qui traverse son travail. 

Cette approche sensible trouve un écho dans les autoportraits de la série Autographies, exposés dans une autre salle. Ces premières œuvres marquent déjà la carrière de Martine-Émilie Jolly : dos au soleil, jouant avec l’écume ou se fondant dans les ombres et lumières, l’artiste se met en scène dans un environnement maritime, rendant à la fois palpable et évanescente la présence humaine. Le spectateur y découvre des images où l’ombre devient un élément central, porteur d’une temporalité suspendue. En convoquant l’inconscient, les photographies déploient une « mise en scène » de l’être intime, où la figure humaine devient paysage et où le temps s’étire.

En osmose

Une autre section de l’exposition met en lumière le regard que la photographe porte sur les ateliers d’artistes. Fascinée par le geste créatif, elle capture ces moments où l’œuvre se fait et se défait, où la matière prend forme sous les mains de l’artiste. Ces instants suspendus deviennent pour elle une source d’inspiration pour sa propre création, qu’elle décrit comme une « osmose » entre deux univers artistiques. À travers cette démarche, l’artiste témoigne de son intérêt pour l’altérité et le dialogue entre pratiques. « Être photographe ou vidéaste, c’est avant tout rencontrer les autres », confie-t-elle. Dans ses œuvres, cette rencontre est à la fois métaphorique et tangible, créant un espace où le regardeur est invité à redécouvrir les gestes du travail et de la création.

Véritable ode à la mémoire des gestes, qu’ils soient portuaires, artistiques ou personnels, l’exposition révèle, en filigrane, une quête universelle : celle de comprendre comment les traces que nous laissons dialoguent avec l’immensité du monde.

photo : Martine-Émilie Jolly

Infos pratiques

  • Jusqu’au 22 février, du mardi au samedi de 10 heures à 12h30 et de 14 heures à 18 heures à Maison des Arts Solange-Baudoux à Évreux
  • Entrée libre et gratuite
  • Renseignements au 02 32 78 85 40