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Théâtre au Havre : Myriam Boyer, bouleversante Éléna

photo Pascal Gély
photo Pascal Gély
photo Pascal Gély

C’est un huis clos construit de manière remarquable. Quand Éléna, professeur de mathématiques, permet à quatre de ses élèves d’entre chez elle, elle n’imagine pas que cette nuit passée avec eux va se transformer en cauchemar. Chère Éléna se déroule dans une Union soviétique traversée par une crise économique et morale. Ce texte de Ludmila Razoumovskaïa créé en 1981, puis censuré, dessine une société, prête à exploser, qui ne croit plus aux idéaux communistes. Éléna, une femme généreuse et bouleversante jouée par Myriam Boyer, veut encore porter ces valeurs humanistes. Ce soir-là, elle se retrouve face à quatre jeunes qui ont mis en place un plan diabolique. Ils veulent récupérer la clé du coffre contenant leur copie d’examen ratée. Ce qui les anime : leur réussite professionnelle. Alors ils ne vont pas hésiter à se lancer dans un jeu dangereux de manipulation, de chantage, de violence. Entretien avec Myriam Boyer qui joue mardi 23 février au théâtre de l’Hôtel de ville au Havre.

 

Éléna est une femme de caractère. Comme vous les aimez ?

Oui, encore une femme de caractère. Elle fait partie de ces femmes que j’aime beaucoup. C’est un vrai bonheur d’interpréter ce personnage. Éléna est une femme généreuse. La pièce qui prête à réflexion traite aussi de l’échec de la transmission des valeurs. Éléna tombe des nues face aux agissements de ces jeunes. Ce qui est beau avec elle, c’est qu’elle croit toujours en la justice, l’honnêteté, en un monde meilleur… Là, elle se rend compte qu’elle a engendré des monstres. C’est terrible.

 

Elle va vivre un cauchemar.

Et on le comprend très vite. Ces quatre jeunes agissent mal, très mal. Ce qui est très intéressant dans cette pièce, c’est la manière dont ce groupe va se comporter. On se rend bien compte d’où vient cette brutalité. Au début, quand ils viennent chez Éléna, ils n’ont pas l’intention d’être cruels. Ils veulent juste cette clé pour changer la note de leur copie. Ils veulent réussir. C’est tellement actuel.

 

Éléna montre aussi ses faiblesses.

Elle a les faiblesses de ses qualités. Éléna n’a pas su regarder ce monde en train de changer. Elle est juste très honnête. Elle exerce un métier avec vocation. C’est son bonheur. Elle n’a jamais eu de vie privée. D’ailleurs, elle ne s’est jamais posée la question.

 

Est-ce le personnage qui vous ressemble le plus ?

Il y a beaucoup de moi, c’est vrai. C’est pour cela que j’ai autant de plaisir à faire ce métier.

 

Pour cette pièce, vous êtes entourée de quatre jeunes comédiens. Comment se déroule cette tournée avec eux ?

Sur scène, ce sont des monstres. Mais, dans la vie, ce sont des amours. Trois d’entre eux n’ont jamais fait de théâtre. C’est leur première tournée. Il y a donc beaucoup d’enthousiasme. J’ai plein d’espoir en cette génération. Ils ont un comportement extraordinaire, sont très respectueux. C’est formidable. J’ai envie de croire cela.

 

Avec Chère Éléna, vous retrouvez le metteur en scène Didier Long.

Oui, j’ai le plaisir de retrouver un metteur en scène avec qui j’ai déjà travaillé. Cela permet de gagner du temps et d’aller encore plus loin. Chaque metteur en scène a sa cuisine, sa façon de travailler. Là, on se comprend très vite. Pour cette pièce, il a réussi son casting. Il a beaucoup de talent.

 

Avec cette pièce, vous fêtez 50 années de carrière.

C’est un beau trajet. Pendant toutes ces années, j’ai travaillé avec des personnes passionnantes, de grands metteurs en scène. C’est une belle carrière. Je sais qu’elle ne fait pas partie de celles qui se voient le plus. Cela a été 50 années bien remplies. Que ce soit au cinéma, au théâtre, à la télévision, il n’y a rien de moyen. Je me suis nourrie de tout cela.

 

A-t-il fallu de l’exigence ?

Non. Quand vous avez la chance de travailler avec Patrice Chéreau, cela donne du sens. C’est la même chose avec Roger Planchon. Tout s’enchaîne alors plus ou moins bien. J’ai dû aussi faire de la production pour pouvoir raconter des histoires. Comédien fait partie de ces métiers dans lesquels on n’a pas le droit de se perdre. Il faut travailler.

 

  • Mardi 23 février à 20 heures au théâtre de l’Hôtel de ville au Havre. Tarifs : de 35 à 15 €. Réservation au 02 35 19 45 74 ou www.lehavre.fr