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# 48 / Toutes et tous des contorsionnistes

photo : DR

Non, ce ne sera pas le 15 décembre. Il était quand même difficile d’y croire encore. Depuis quelques jours, la petite musique résonnait. Le même scénario revient avant chaque prise de parole du gouvernement ou du président de la République. Certaines et certains sont chargés d’allumer les voyants rouges pour préparer les esprits. Les lieux culturels étaient donc « sur la sellette ». 

Le Premier ministre, Jean Castex, l’a confirmé jeudi 10 novembre. Les théâtres, les salles de concert, les musées, les cinémas ne pourront pas rouvrir au public. La raison : le virus circule trop. Comme toutes les salles sont fermées depuis plusieurs semaines, le problème est peut-être ailleurs. Il a pourtant été reconnu que ces endroits ne sont pas contaminants et dangereux pour la santé des spectatrices et spectateurs. Leurs directrices et directeurs ont veillé scrupuleusement à faire respecter les consignes sanitaires à un public très respectueux, prêt à mettre du gel, porter un masque pendant toute une représentation, s’asseoir à une place indiquée, attendre l’autorisation de sortir. Et tout cela dans une ambiance chaleureuse. 

Surmonter les incertitudes

Depuis dix mois, les lieux culturels ouvrent, ferment, rouvrent et referment, programment, annulent, reportent, s’adaptent pour permettre le respect du couvre-feu et déprogramment après la décision du deuxième confinement. Cette date du 15 décembre était attendue. Les directrices et directeurs des structures, devenus des contorsionnistes virtuoses, s’étaient mobilisés avec leurs équipes pour reprogrammer avant les fêtes de fin d’année. Tant d’efforts pour rien. À force d’enchainer les figures de plus en difficiles et supportables, la liste des blessés va être longue.

De l’énergie, il en faut également pour les artistes qui doivent surmonter les incertitudes. La compagnie Akté avait repris les répétitions pour la création d’ATTENTION au théâtre des Bains-Douches au Havre avec Le Volcan. Hélène Francisci avait décalé les dates de Quand on vous aime comme ça au CDN de Normandie Rouen. Marion Motin est au théâtre Charles-Dullin à Grand-Quevilly pour la première du Grand Sot. Ce devait être joyeux et explosif avec la compagnie N’Soleh au cirque-théâtre à Elbeuf, drôle et magique avec Loop du trio Stoptoï au Passage à Fécamp, émouvant avec Rosemary Standley et Dom La Nena à L’Éclat à Pont-Audemer. Le Poème harmonique avait hâte de retrouver le théâtre Legendre à Évreux avec le Tangram. L’Opéra de Rouen propose une série d’enregistrement de concerts qui seront à découvrir sur les écrans. Margot Dorléans ne pourra pas une nouvelle fois présenter Confier à L’Étincelle à Rouen.

Il faudra attendre encore pour partager un autre regard sur ce monde, prendre une bouffée d’un air vivifiant, se faufiler dans le rêve d’un autre et savourer une parenthèse de bonheur. Tout le milieu culturel est réduit à un silence qui nous étouffe. Comme la colère.