Alban Richard : « D’une pièce à une autre, il faut changer de corps et d’imaginaire »

photo : Agathe Poupeney

3 Works for 12. Trois comme le nombre de pièces qui forment ce spectacle et celui des musiques piochées dans les répertoires de Louis Andriessen, Brian Eno et David Tudor. À partir de Hoketus, Fullness of Wind et Pulsers, Alban Richard a écrit trois partitions avec trois langages différents pour 12 interprètes. Le directeur du centre chorégraphique national de Caen poursuit ainsi sa recherche sur le lien entre musique et danse. 3 Works for 12 sera donné le 9 novembre au Tangram à Évreux, le 3 décembre au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray, les 5 et 6 janvier au théâtre de Caen. Entretien avec Alban Richard.

Vous avez choisi trois musiques des années 1975 et 1976. Pourquoi ces dates ?

Une nouvelle génération de compositeurs arrive pendant les années 1970 et questionne le minimalisme. Louis Andriessen, Brian Eno et David Tudor et d’autres posent un nouveau regard sur le minimalisme et en proposent des versions différentes. En travaillant sur des œuvres, je me suis rendu compte que ces années ont vu l’émergence de nouvelles propositions.

Pourquoi vous êtes-vous arrêté sur les musiques de ces trois compositeurs ?

Elles sont tous reliées à des interrogations sur la pulsation, à cette façon de penser la musique. Hoketus d’Andriessen est métronomique, très pulsé. On est entre le punk-rock et la techno. Cela m’a intéressé de voir comment les corps mettent en place cette relation à la « pulse » parce que tout est mesuré, compté. Dans Fullness of wind de Brian Eno, il y a davantage de subtilité. Cette œuvre est construite autour de la déconstruction du Canon in D Major de Pachelbel. Il établit une relation au passé. La troisième, Pulsers de Tudor, est une pièce folle, chaotique. Il y a une multiplicité de couches rythmiques. C’est un Sacre du printemps futuriste.

Vous menez des recherches sur le lien entre musique et danse depuis plusieurs années. Comment avez-vous appréhendé ces trois œuvres ?

Pour moi, l’enjeu a été de mieux faire entendre et comprendre ces musiques grâce à la danse à travers trois façons de danser. J’ai choisi de faire une traduction de ces musiques, de donner à voir une interprétation par le corps des danseurs. Dans la première, nous sommes dans une analyse stricte de la partition. Chaque danseur a une partition écrite et est à une pulsation près. Dans la seconde, chacun a une phrase qui joue dans un canon infini avec le groupe. Dans la troisième, la façon de composer a été plus ouverte. Les dynamiques, les espaces et les durées sont déterminés mais la manière d’y parvenir est plus instantanée. Ce sont trois façons de composer une chorégraphie et trois implications différentes pour les interprètes.

Que vous a apporté ce travail dans le cadre de vos recherches ?

J’ai eu envie de créer un précis de composition, de montrer qu’il est possible d’écrire la danse différemment en fonction des choix musicaux, de montrer aussi la diversité de ce que je peux créer dans une seule pièce.

Comment avez-vous travaillé avec les 12 interprètes ?

Cela a été toute la difficulté. Le plus gros travail a été de trouver comment il était possible de passer d’une pièce à une autre. La qualité et la matière ne sont pas les mêmes. Ce sont trois chorégraphies très énergiques, endurantes et physiques. D’une pièce à une autre, il faut changer de corps et d’imaginaire. Pendant les répétitions, chaque jour, nous avons travaillé simultanément les trois pièces. Il n’y a pas d’entracte. La scénographie est très brute avec un plateau nu et des vestiaires sur le côté. Le travail se fait aussi là.

Pourquoi ce nombre de 12 précisément ?

J’ai créé Hoketus d’Andriessen pour le ballet de Nancy en 2014-2015. Ce nombre de 12 s’est imposé. C’est une masse intéressante sur un plateau. Cela crée un mouvement important.

Quelle signification donnez-vous à ce mot Works ?

C’est le terme anglais qui désigne les pièces, les œuvres, les compositions. Or le plus souvent, on le rattache à la notion de travail. Cette pièce permet de voir des danseurs au travail dans trois propositions différentes, des corps qui se transforment. En fait de mettre tout à plat.

Infos pratiques

  • Mardi 9 novembre à 20 heures au Cadran à Évreux. Tarifs : de 25 à 10 €. Pour les étudiants :  carte Culture. Réservation au 02 32 29 63 32 ou sur www.letangram.com
  • Vendredi 3 décembre au Rive Gauche à Saint-Étienne-du-Rouvray. Tarifs : de 26 à 8 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 32 91 94 94 ou sur www.lerivegauche76.fr
  • Mercredi 5 et jeudi 6 janvier à 20 heures au Théâtre de Caen. Tarifs : de 25 à 8 €. Réservation au 02 31 30 48 00 ou sur www.theatre-caen.fr
  • photo : Agathe Poupeney