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Anne Pacéo : « À 30 ans, on perd notre innocence de jeunesse »

Anne Pacéo est une batteuse. Elle a accompagnée de grands noms du jazz, tels que Rhoda Scott, Archie Shepp, Raphaël Imbert, aussi Mélissa Laveau et Jeanne Added. Elle est compositrice et multiplie les collaborations avec des artistes qui sont devenus des fidèles. Elle a un sens de la mélodie, aime le mélange des genres qui fonde sa musique. En 2011, elle reçoit une première Victoire de la musique dans la catégorie Révélation avant de devenir Artiste de l’année cinq ans plus tard. Son nouvel album, Bright Shadows, plus introspectif, est une suite de Circles. Anne Pacéo sera jeudi 17 octobre avec le Tangram au théâtre Legendre à Évreux.

Se faire surprendre par le jazz

Anne Pacéo n’a jamais apprécié être rangée dans une case. Les frontières musicales, elle les a toujours bannies. Plus jeune, elle aimait le rock, la pop. « J’écoutais Oasis, Rage against the machine… » Puis le jazz est arrivé « par hasard. Cela a été une surprise. J’y ai en fait découvert une grande liberté. Dans la pop, il y a des formats imposés. Pas dans le jazz. Il faut se réinventer chaque jour. Il faut jouer avec ce que l’on est dans le temps présent. Cette musique est hyper vivante parce qu’elle est humaine ». Elle savoure cette liberté dans un format qu’elle s’impose. Celui de la chanson. « C’est important d’avoir une contrainte. Je trouve que l’on est plus en phase avec soi-même. Parfois, il faut bloquer ses émotions ».

Écrire pour les autres

Pour composer, Anne Pacéo s’inspire de ses différents voyages, se laisse porter par ses émotions. « Dans la vie, il y a pas mal de rebondissements ». C’est avant tout en pensant aux musiciens avec qui elle joue que la batteuse écrit ses albums. « C’est difficile de composer dans le vide. J’entends leurs sons dans ma tête. Christophe (Panzani, au saxophone, ndlr), Tony (Paeleman, aux claviers, ndlr) et Pierre (Perchaud, à la guitare, ndlr) sont des personnes que je connais bien et qui sont en constante évolution. Tous les trois sont en quête de nouveauté. J’aime beaucoup cette envie de construire ensemble dans le temps. C’est comme une télépathie qui opère. Cela fait grandir la musique ».

Mêler trois voix

Grandir aussi avec les chanteurs. Dans Bright Shadows, Anne Pacéo mêle sa voix à celle d’une chanteuse, Ann Shirley, et un chanteur, Florent Mateo. « Ann a un timbre particulier. Elle a chanté beaucoup de soul, de gospel, de jazz. Elle a un côté caméléon et assez affirmé. Sa voix est grave alors que celle de Florent est plus aigüe et peut monter très haut. De plus, ce sont des interprètes très ouverts, capables d’improvisation ».

Confronter deux états

Des instants ensoleillés alternent avec des nuages plus sombres. Dans ce nouvel album, Bright Shadows peut être solaire et aussi mélancolique. Anne Pacéo raconte les métamorphoses, les doutes, les peurs, les colères… « C’est une prise de conscience de la vie. À 30 ans, on perd notre innocence de jeunesse. On prend conscience de la beauté et de laideur du monde. On découvre la perte d’un être cher. Jouer avec les contraires me plaît beaucoup. C’est la vie, c’est comme ça. J’aime bien cette phrase : la vie, c’est apprendre à danser sous la pluie. On peut vivre de belles choses. Quand les ombres apparaissent, il faut essayer de les faire les disparaître. La musique a toujours été mon échappatoire, mon refuge. Je suis contente lorsque j’écris, je répète, je joue ».

Rendre hommage à une femme

Nehanda est un des titres les plus étonnants de Bright Shadows. Anne Pacéo raconte dans une langue imaginaire l’histoire d’une médium du Zimbabwe qui s’est opposée à la colonisation de son pays et a été tuée. « Avec l’actualité, j’ai eu une grosse prise de conscience de ce qu’est être une femme aujourd’hui. J’ai cherché toutes ces femmes qui ont marqué l’histoire. Je suis tombée sur elle. Son histoire est à la fois belle et tragique. Elle s’est battue pour son pays, pour sa langue et s’est imposée à moi. Cette langue que j’ai inventée sera sa langue pour parler avec les esprits. Quand j’ai écrit, les syllabes sont arrivées comme une évidence. C’est presque magique ».

Infos pratiques

  • Jeudi 17 octobre à 20 heures au théâtre Legendre à Évreux.
  • Tarifs : de 16 à 5 €. Pour les étudiants :  carte Culture.
  • Réservation au 02 32 29 63 32 ou sur www.letangram.com