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Au 106 à Rouen : culture tatouage avec Mort bleue

photo Jean-Luc Bertini
photo Jean-Luc Bertini
photo Jean-Luc Bertini

Il n’y en avait pas eu depuis bien longtemps. Le week-end prochain, samedi 19 et dimanche 20 septembre, se tient Mort Bleue, une convention de tatouage, au 106 à Rouen avec Chair et Tendre et Terrain vague. Deux jours pour rencontrer des tatoueurs, écouter de la musique, découvrir l’exposition de portraits de tatoués, réunis par Jérôme Pierrat et Eric Guillon. Retour sur l’histoire du tatouage avec Jérôme Pierrat, historien, journaliste, rédacteur en chef de Tatouage Magazine et auteur de 5 ouvrages sur cette pratique.

 

A quand remonte le début de l’histoire du tatouage ?

On ne sait pas dater. On imagine que le tatouage est aussi vieux que l’humanité. Cependant les traces les plus probantes remonte à – 3 000 avant Jésus-Christ. En 1991 a été découvert un homme congelé dans les glaciers à la frontière entre l’Italie et l’Autriche. C’est probablement un chasseur qui est tombé dans une crevasse. On a retrouvé des traces de pigments sur sa peau.

 

Est-ce que de telles traces ont été retrouvées sur tous les continents ?

Oui sur toutes les latitudes, sur tous les continents, des traces de tatouage ont été retrouvées sur les hommes et sur les femmes. Sauf chez les peuples d’Afrique noire. Le tatouage est une pratique universelle et intemporelle et a été freiné en Europe sous l’autorité de l’Église catholique. Pour elle, il ne faut altérer une création divine qu’est l’homme.

 

La religion a donc eu une influence forte sur la pratique du tatouage.

C’est le poids de la religion qui a enterré le tatouage en France, en Italie, en Espagne. Plus tard on a redécouvert le tatouage lors des expéditions maritimes. Les marins se sont fait tatouer. Puis les soldats, les prisonniers. Dans les pays anglo-saxons, le tatouage était plus démocratisé. Pendant longtemps, il a été la marque des voyous et des mauvais garçons. Les premières boutiques de tatouage ouvrent au XIXe siècle dans les villes portuaires.

 

Le tatouage a-t-il une fonction particulière ?

Pour l’homme qui a été retrouvé dans les glaces, on pense que le tatouage avait une fonction prophylactique. Il se trouvait sur les articulations. Il avait certainement de l’arthrose. Dans les sociétés traditionnelles, c’était une marque d’initiation ou d’asservissement. En Polynésie, il est un marqueur social. Il indique une hiérarchie sociale.

 

Quel moment devient-il un art ?

Il devient un art populaire par le biais d’un tatouage identitaire. Les marins, les soldats, les prisonniers montrent qu’ils appartiennent à un groupe. Dans les années 1970, il y a eu des rockeurs et les bikers. Aujourd’hui, le tatouage a une fonction esthétique. C’est difficile de tirer des grandes lignes. Le tatouage peut en effet avoir toutes les fonctions. Il est là pour sublimer les corps.

 

Est-ce que le tatouage a un lien avec l’histoire de la personne ?

Pas forcément mais chacun y met beaucoup de lui. Le tatouage est un acte assez fort. Il sera toujours lié à votre histoire, à votre passé. Il correspond à un moment de la vie, à l’état d’esprit du moment. Il est associé à un souvenir.

 

Comment expliquez-vous l’engouement pour le tatouage depuis une vingtaine d’années ?

La démocratisation du tatouage a commencé dans les années 1960 mais elle a été longue. A partir des années 1990, elle a été très rapide grâce à l’explosion des moyens de communication, de la presse spécialisée. Les sportifs et les artistes n’ont pas hésité à montrer leur tatouage.

 

Êtes-vous tatoué ?

Mon premier tatouage remonte aux années 1980. J’allais avoir bientôt 18 ans. C’était une époque où on avait envie d’appartenir à des bandes. J’avais choisi les Pieds Nickelés qui étaient un peu des marginaux. Plus tard, j’ai fait faire un dragon japonais.

 

Depuis combien de temps vous intéressez-vous à l’histoire du tatouage ?

Le tatouage m’a toujours intéressé. C’est à la fois une passion et un métier. Je suis plus intéressé par l’histoire, la culture, l’ethnographie. C’est une histoire non académique parce qu’il y a peu de trace de ce passé. C’est une pratique qui est restée longtemps obscure. Il faut donc faire des recherches. C’est comme un jeu de piste.

 

 

  • Convention Mort bleue : samedi 19 septembre de 14 heures à 22 heures et dimanche 20 septembre de 11 heures à 20 heures au 106 à Rouen. Tarifs : de 16 à 8 €. Réservation au 02 32 10 88 60 ou sur www.le106.com
  • Exposition Mauvais Garçons, portraits de tatoués de 1890 à 1930, visible jusqu’au 12 décembre au 106 à Rouen du lundi au vendredi de 13h30 à 18 heures et les soirs de concert. Entrée libre.
  • Conférence de Jérôme Pierrat, Les Hommes illustrés – Une histoire de tatouage, mardi 27 octobre à 20 heures au 106 à Rouen. Entrée libre.