Balzac sur un plateau de théâtre

photo : Simon Gosselin

La metteuse en scène Pauline Bayle, fondatrice de la compagnie À tire-d’aile, confie à cinq comédiens et comédiennes tout le récit d’Illusions perdues, une des œuvres les plus importantes de la littérature française. C’est Jenna Thiam, Révélation féminine dans Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret et Léna dans Les Revenants, qui incarne le rôle du héros, Lucien Chardon, venu trouver la gloire à Paris. La pièce se joue mardi 23 novembre au Tangram à Évreux et vendredi 26 novembre au Rayon vert à Saint-Valery-en-Caux.

Des idéaux jusqu’aux désillusions… Ce pourrait être un résumé de la vie de Lucien Chardon. Le héros des Illusions perdues, le roman de Balzac, parcourt un chemin cabossé pour connaître la gloire avant une chute inévitable. Au début du XIXe siècle, le jeune poète quitte sa ville de province, Angoulême, pour connaître le succès à Paris en tant que journaliste. Son seul moteur : l’ambition. « Mais ce n’est pas une ambition pour son travail. Il veut de l’argent, des femmes. Il met son intelligence au service d’instinct bas ». 

Jenna Thiam est Lucien dans la mise en scène de Pauline Bayle qui revient à un monument de la littérature après l’univers de Homère. Dans cette pièce librement adaptée, la comédienne est la seule à incarner un seul personnage. Les quatre autres, Charlotte van Bersselès, Guillaume Compiano, Hélène Chevallier et Alex Fondja, se partagent les dix-huit autres rôles. « Nous avons commencé le travail en jouant tous les personnages, en improvisant. Pauline ne nous a pas donné le texte tout de suite. Tout le monde jouait tout le monde. Il n’a jamais été question de genre. Tout s’est dessiné en fonction de la sensibilité de chacun. Au départ, je ne me voyais pas dans le personnage de Lucien. J’ai beaucoup parlé avec Pauline qui ne demande jamais de surjouer. Avec elle, il faut parler de soi. J’ai dû découvrir le Lucien qui est en moi. Pendant les répétitions, il m’est venu le flow du rap. C’est une musique que j’écoute énormément. Le fait d’avoir ce rythme en tête m’a permis de trouver une physicalité différente ».

En quadrifrontal

Illusions perdues est un parcours initiatique d’un jeune homme idéaliste, plein de fragilité. « Quand il monte à Paris, il est l’oiseau sorti de son nid. Malgré la misère de sa famille, il est choyé. Il est aussi conscient de sa beauté et de ses charmes. Ce qui lui donné une certaine confiance en lui. Or il va se retrouver à Paris, dans une jungle sociale qui va le déstabiliser. Cette confiance ne sera qu’un leurre ». Lucien va trahir ces idéaux, même se compromettre pour assouvir cette soif de réussite et de reconnaissance. À la fin, c’est la chute. « C’est quelque chose de cinglant mais il n’a que ce qu’il mérite », remarque Jenna Thiam.

Dans Illusions perdues, Pauline Bayle se détache de l’écriture de Balzac. L’autrice et metteuse en scène opte comme dans Iliade et Odyssée pour un style « rythmé. Les dialogues sont cinglants. Il y a aussi du rap dans son écriture ». Elle fait également de la scène un lieu d’expérience pour les interprètes et le public avec une scénographie en quadrifrontal. « Ce n’était pas évident. J’ai longtemps paniqué. J’avais l’impression de suffoquer. Tout le monde nous voit tout le temps. On voit les erreurs, les hésitations… Tout est à la loupe. Mais c’est toute la force de la mise en scène. J’ai pris confiance maintenant et je me sens plus libre ». Sur ce plateau nu, Pauline Bayle renvoie l’œuvre fleuve de Balzac dans le présent où perdurent les ambitions et les rêves de gloire.

 

Infos pratiques

  • Mardi 23 novembre à 20 heures au Cadran à Évreux. Tarifs : de 20 à 10 €. Pour les étudiants :  carte Culture. Réservation au 02 32 29 63 32 ou sur www.letangram.com
  • Vendredi 26 novembre à 20 heures au Rayon vert à Saint-Valery-en-Caux. Tarifs : de 19 à 10 €. Réservation au 02 35 97 25 43 ou sur lrv-saintvaleryencaux.com
  • Durée : 2h30
  • photo : Simon Gosselin