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Bastien Lallemant au Trianon transatlantique : « trouver l’économie de la phrase »

bastien lallemant + eleves lyceeBastien Lallemant construit ses édifices artistiques avec patience. Il y a les albums, les livres, les siestes acoustiques. De multiples projets qu’il partage avec une famille d’artistes composée de JP Nataf, Dominique A, Seb Martel, Albin de la Simone, Charles Berberian… Bastien Lallemant compose des tableaux, écrit des rêveries. Son dernier album, La Maison haute, n’y échappe pas. Vendredi 15 janvier, il était au Trianon transatlantique à Sotteville-lès-Rouen. Juste après les balances, il a répondu aux questions de Thibaut, Pauline, Chloé, Laure et Eloïse, élèves du lycée Les Bruyères en option Littérature et société et Aline, correspondante allemande.

 

Quelles sont vos influences ?

Elles sont très larges, forcément très larges. J’ai écouté beaucoup de chanson française dont Brassens. A l’adolescence, je me suis détaché de ses choix qui étaient ceux de mes parents pour aller vers les musiques anglo-saxonnes. Le groupe des années 1990 m’a redonné goût à la chanson française. Des artistes comme Dominique A, Philippe Katerine écrivent de la chanson française sur des sons venus d’ailleurs. Aujourd’hui, j’écoute différentes musiques. Cela va de Nick Cave à cette famille rencontrée dans des années 2000. Je travaille avec Albin de la Simone, Bertrand Belin, JP Nataf…

 

A quel moment l’écriture s’est-elle imposée ?

Après le bac, je suis allé à l’école des Beaux-Arts. Je me suis spécialisé dans le dessin. Lors de ce travail, j’ai toujours eu besoin de prendre des notes, de raconter des histoires. J’écrivais des microfictions. J’ai ensuite intégré des groupes de musique. J’écrivais pour eux. J’avais déjà un vrai goût pour écrire. Je trouve que la chanson est un format intéressant qui permet de raconter des récits courts avec des personnages, des paysages…

 

Est-ce que l’écriture est un processus lent, long ?

C’est lent parce que ce n’est pas évident d’écrire une chanson. Un des arts que je goûte le plus, c’est la lecture. J’aime que les chansons soient des mirofictions. Je prends donc le temps de trouver l’économie de la phrase et d’écrire des choses évocatrices. Il faut trouver des sous-entendus qui vont camper des paysages. Et cela prend beaucoup de temps.

 

Pourquoi cinq années sont-ils nécessaires pour écrire des albums ?

Il y a plusieurs raisons. Tout d’abord, l’industrie du disque a connu des grandes problématiques. Je suis rentré dans l’une d’elles en 2000. A ce moment-là, les artistes qui vendaient beaucoup permettaient à des chanteurs plus confidentiels d’être signés. Je ne suis pas un artiste rentable. Du fait de la crise, les maisons de disques ont cassé tous les contrats des artistes comme moi. Il faut donc du temps pour retrouver un entourage, un studio. A cela s’ajoute le temps d’écrire des chansons.

 

Avez-vous mené d’autres projets pendant ces dernières années ?

Oui et il y en a un qui reste très important pour moi. Il a d’ailleurs beaucoup nourri l’écriture du dernier album. Le troisième disque, Le Verger, m’a ouvert les portes des festivals littéraires et m’a permis de rencontrer des écrivains comme Béatrice Giraud, Olivier Adam, Daniel Pennac… On a imaginé ensemble des lectures littéraires. Aujourd’hui, j’ai créé six spectacles différents, dont ces lectures et les siestes acoustiques. Celles-ci ont été lancées en 2010 dans de petites salles où le public, allongé dans des transats, peut s’endormir pendant que nous jouons. Rien n’est amplifié. C’est comme si on venait jouer chez vous. Tout se fait en continu. Ces siestes ont nourri mon travail parce que nous ne sommes pas tenu d’avoir des résultats. Cela permet ainsi de mener des laboratoires.

 

Vous avez écrit un livre, Une Lentille dans les cailloux. Pourquoi ?

C’est une commande qui m’a été faite. Sinon, je ne l’aurais jamais fait. Je ne pense pas avoir la légitimité, la maturité pour le faire. Je me suis donc plié à l’exercice. Dans ce livre, j’ai expliqué mon métier à travers une correspondance avec ma fille. Ce qui exige un langage simple et clair.

 

 

 

Qu’est-ce qui a nourri précisément ce nouvel album, La Maison haute ?

Des 4 albums que j’ai écrit, celui-ci est le plus personnel. Pour chacun d’entre eux, je me fixe une thématique. En premier est venu le thème de la lumière, de l’absence de lumière. Quand on passe la quarantaine, on se pose une série de questions sur le temps qui passe. Comment l’amour résiste au temps ou n’y résiste pas ? Comment certains sont tentés de prendre la tangente ? Il y a l’idée de fuite. Ce sont des questions à la fois existentielles et très banales. En fait, je n’avais pas pressenti ces questionnements. Ils se sont imposés à moi.

 

Que privilégiez-vous le texte ou la musique ?

En France, il y a une sorte de prédominance du texte dans la chanson française. Et on accorde moins d’importance à la musique. Pourtant, une belle chanson doit avoir une belle mélodie, de bons arrangements… La musique m’importe en premier parce qu’elle provoque des émotions.

 

Avez-vous envie de changer de label pour voir plus loin ?

On a toujours envie de progresser. Cependant, un artiste plus confidentiel est plus lbre. Et je suis libre de mes choix. Le Verger, La Maison haute sont des disques très sombres. Or aujourd’hui, je ressens le besoin d’écrire autre chose, des textes plus ensoleillés, plus drôles. Si mon label me dit : je préfère que tu restes dans cette noirceur, alors j’irai voir ailleurs.

 

Quels sont vos futurs projets ?

La musique occupe ma vie entièrement. Depuis quelque temps, j’ai envie de voyager. Mais la chanson française s’exporte peu. Pourtant, elle mérite de se faire entendre ailleurs. J’ai envie de voyager avec mes chansons.