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Benjamin Alard à Rouen : « Bach ne peut être survolé »

benjaminalardBach (1685-1750) est au cœur des répertoires des deux concerts donné par Benjamin Alard à Rouen. Le cantor de Leipzig accompagne en effet depuis de nombreuses années la vie musicale du musicien, organiste et claveciniste, qui a commencé sa formation à Dieppe. Benjamin Alard  interprète les Variations Goldberg, les 14 Canons sur la base des Variations et le quolibet de la 30e Variations de Bach avec Arnaud Marzorati et le Quatuor Habanera dimanche 16 octobre à la chapelle Corneille avec l’Académie Bach. Dimanche 23 octobre, au temple Saint-Éloi à Rouen, Bach est à nouveau au répertoire avec Du Mont, Couperin et Rameau. Entretien.

 

Vous avez joué très tôt des œuvres de Bach. Vous en avez beaucoup enregistrées. Comment Bach traverse votre carrière musicale ?

Si j’essaie de remonter le temps, mes premiers souvenirs de Bach ont été vécus au piano. C’était un menuet, le Petit Livre d’Anna Magdalena Bach. Il y a eu ensuite les Inventions à deux voix. Depuis, Bach accompagne un travail quasi quotidien d’un musicien aux claviers. Il est un des premiers de son temps à considérer la musique comme quelque chose qui se travaille. Il a écrit une musique très construite, techniquement difficile. A son époque, les musiciens l’ont interpelé parce qu’ils ne pouvaient pas jouer sa musique. Avant d’interpréter un œuvre de Bach, il est nécessaire de se préparer. Pour un jeune musicien, cela comporte des difficultés qu’il faut apprendre à gérer. Bach accompagne ainsi tout le temps un musicien.

 

Et si vous cessez de jouer Bach pendant un temps…

Si on la laisse, la musique de Bach ne peut plus être jouée. La fréquentation quotidienne est nécessaire. Si, un jour, je ne peux pas jouer – parce que je suis en tournée– j’ai à l’esprit une difficulté, une tournure. C’est une exploration permanente. Avec le temps, on s’améliore et on découvre des secrets, quelque chose que l’on n’avait jamais remarqué auparavant. Cela oblige à une grande humilité. Bach ne peut être survolé. Il faut le rendre clair.

 

Comment ?

Il y a tout ce qui a pu influencer le compositeur. Souvent on crie au génie pour des artistes comme Beethoven ou Mozart. Mais il n’y a pas de génie du vide. Ils ont été influencés. Ils ont une oreille façonnée par des maîtres. Bach a été une véritable éponge. Dans l’Europe du XVIIIe siècle, il a su assimiler tous les styles. C’est un Européen avant tout le monde.

 

Recherchez-vous encore des informations sur la vie de Bach ?

Sur sa vie, sur ses influences et sur la manière dont il a été élevé. J’y suis de plus en plus sensible. Bach a été influencé par son grand frère, aussi très doué. Il a perdu ses parents très jeune. Il a dû manquer d’amour maternel. La musique lui a très certainement permis de canaliser son énergie. Par ailleurs, il est possible de voir en ligne un exemplaire des Variations Goldberg. Il y a des notes en rouge, des indications de tempo, des petits détails. J’ai essayé de comprendre quand il a apporté ces corrections. On voit le geste. C’est fascinant. Cela permet aussi de s’approcher au plus près de ce qu’il a voulu.

 

A la chapelle Corneille, vous jouez les Variations Goldberg. Est-ce une montage à gravir ?

C’est en effet une montagne. J’ai eu la chance de les jouer jeune il y a une dizaine d’années. Quand je les ai retravaillées je les ai copiées. Je les ai apprises par cœur et réécrites avec toutes les indications de mesure. C’est un travail qui a pris du temps mais c’est nécessaire. Cela permet de s’oublier, d’oublier les influences des autres interprètes, de trouver ce qui nous semble le plus cohérent et ce que dit la partition. Pour cela, le par cœur est indispensable.

 

Au fil des années, vous avez aussi noué des liens forts avec l’Académie Bach.

Il y a des liens forts depuis très longtemps. A l’âge de 12 ou 13 ans, j’ai vu l’orgue de l’église d’Arques-la-Bataille sortir de son jubé. J’ai aussi été bercé par de nombreux concerts du festival de l’Académie Bach. Je considère que je viens de là-bas. C’est une grande chance de travailler avec cette structure atypique qui reste dévouée à la musique et aux musiciens.

 

  • Dimanche 16 octobre à 11 heures à la chapelle Corneille à Rouen. Tarifs : 16 €, 9 €, gratuit pour les moins de 18 ans. Réservation sur www.academie-bach.fr
  • Dimanche 23 octobre à 17 heures au temple Saint-Éloi à Rouen. Tarifs : 10 €, 6 €.