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Bertrand Cuiller : « Je n’écoute que du rock »

photo Jean-Baptiste Millot

Six oeuvres immenses pour deux lieux et un seul ensemble. Le Caravansérail joue les Concertos Brandebourgeois de Bach mercredi 16 et jeudi 17 août dans l’église à Vatteville-la-Rue et Caudebec-en-Caux dans le cadre des Musicales de Normandie. Dans ses six partitions, le Cantor de Leipzig renouvelle les formes, multiplie les styles, offre une place singulière aux divers instruments. Le jeune ensemble baroque, une des révélations musicales, en donne une lecture personnelle de l’intégrale de l’oeuvre. Entretien avec son directeur artistique, Bertrand Cuiller.

Jouer les Concertos Brandebourgeois de Bach, considéré comme le sommet de la musique de Bach, est-ce comme gravir une montagne ?

Il y a en effet quelques pièces qui sont de véritables monuments. Les Concertos Brandebourgeois se rapprochent de cela. La différence : il n’y a pas le côté solitaire du grimpeur dans l’interprétation de cette oeuvre. Au contraire, nous sommes très entourés. Ces partitions sont très connues. Pour nous, cela reste un challenge.

Pourquoi ?

Le Caravansérail est un jeune ensemble. Il a été fondé en 2015. Dans nos premier programme, nous avons abordé des répertoires peu connus. Il y avait un côté découverte d’un angle de vue, d’une approche. Nous aimons trouver des musiques nouvelles. Nous voulons aussi travailler un grand répertoire connu, donc beaucoup joué. C’est une partie plus exigeante. Cela reste un challenge pour l’époque.

Comment avez-vous appréhendé ces Concertos de Bach ?

Nous n’avons pas à apporter d’innovations à la musique de Bach. Sa musique est belle telle qu’elle est. En tant que claceviniste, j’ai toujours aimé Bach. Il a composé des pages musicales où se mêlent la danse, la musique française, italienne… Elle est très riche et très exigeante instrumentalement. La musique de Bach est très organique. Il faut beaucoup de se poser des questions techniques, l’aborder de manière simple et la jouer de manière la plus humble possible. Il suffit d’avoir des musiciens virtuoses. C’est très différent de Haendel. Il faut trouver dans sa musique les bonnes énergies.

Quel Concerto préférez-vous ?

Le cinquième. C’est aussi le seul que j’ai déjà joué. Cette musique est excitante parce qu’elle est pleine d’énergie, de vie, de vigueur, de spiritualité aussi. Dans cette partition, il y a l’âme et le corps. J’attends cependant avec beaucoup d’impatience d’entendre les six.

Envisagez-vous d’enregistrer les six Concertos Brandebourgeois ?

Non, pas lors de cette tournée. Il existe déjà beaucoup de versions enregistrées. Nous prenons le temps de les jouer. C’est un programme qui va rester au répertoire du Caravansérail.

Avez-vous écouté plusieurs de ces versions avant d’aborder l’oeuvre ?

J’ai écouté les Concertos il y a très longtemps. J’ai arrêté d’écouter de la musique pour que cela ne vienne pas interférer dans mon travail. Cela me pollue, m’empêchehe d’être libre. En fait, je n’écoute que du rock.

Cela ne vous manque pas ?

Non parce que je ne peux pas écouter de la musique baroque. Dans mon cerveau, il y a déjà beaucoup de musiques qui tournent. Je n’ai pas d’autres espaces pour l’écoute. Sinon, je pense que je deviendrais fou.

Qu’écoutez-vous alors ?

J’écoute pas mal Lou Reed. En ce moment, j’aime beaucoup Poni Hoax. Leur musique me nourrit beaucoup. Je suis intéressé par la manière dont ils travaillent le rythme, ils se positionnent par rapport au temps. C’est un groupe passionnant à observer.