Combattre l’oubli

Dorothée Piatek réveille les consciences, aiguise les regards. Pour ces romans, l’auteure rouennaise effectue de vrais choix de sujets. Le dernier : la vie dans le bagne pour enfants de Belle-Ile-en-Mer qu’elle raconte dans Le Silence des oiseaux.

 

Le sens de l’observation. Dorothée Piatek ne sort jamais sans son carnet et son crayon. Chose évidente puisqu’elle est écrivain. Jamais non plus sans son appareil photo. « J’aime capter les instants, les moments de la de la vie de tous les jours ». Il ne faut pas chercher là une curiosité malsaine ou un quelconque voyeurisme. Bien au contraire, c’est dans cette vie si riche que l’auteure rouennaise puise son inspiration. « Je suis très observatrice des gens. Leurs attitudes, leurs propos sont très instructifs. Une histoire peut naître d’une rencontre, d’un mot entendu, d’une scène. Cela va susciter un temps de réflexion et faire fonctionner mon imagination ». Les histoires de Dorothée Piatek qui s’adressent aux enfants et adolescents ont un lien avec l’actualité, avec l’histoire. Elles sont malicieuses, comme son regard, et délicates, comme sa voix.

 

silenceLe Silence des oiseaux. C’est le dernier ouvrage publié. Dorothée Piatek aborde dans ce roman un sujet oublié. Volontairement oublié et surtout caché parce qu’il se révèle un véritable scandale. Trois ans de recherche ont été nécessaires pour écrire ce livre. Et ils sont ponctués d’obstacles. Aucun témoignage. Des archives dispersées.

En 1880 est ouvert à Belle-Ile-en-Mer une maison de correction ou de rééducation, en fait, un bagne pour les enfants. « On y enfermait les orphelins qui se retrouvaient dans la rue, les enfants qui commettaient des vols ». Quels que soient les faits reprochés, ils y restaient jusqu’à leur majorité, 21 ans. Durant toutes ces années, non seulement les prisonniers manquaient de soin mais ils subissaient aussi des maltraitances. « Il y avait un système de privation, un mitard et la camisole ». En 1934 éclate une révolte dans le réfectoire. « Les enfants ont cassé les portes. 56 ont fui. Il a seulement fallu 48 heures pour tous les retrouver. Il y a eu une battue géante. Les habitants de Belle-Ile recevaient 20 francs s’ils ramenaient un enfant ».

Le Silence des oiseaux raconte le quotidien d’un garçon qui doit subir les humiliations, la cruauté des gardiens et grandir dans ce lieu sordide, fermé en 1977. Il y a seulement 37 ans.

 

Pour les ados. C’est un nouveau fait historique que Dorothée Piatek sort de l’oubli. Il y a eu la Première Guerre mondiale avec L’Horizon bleu dans lequel un jeune instituteur raconte la vie sur le front. Dans Je Marchais malgré moi dans les pas du diable, l’auteur revient sur ces Alsaciens enrôlés de force dans l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale.

Des sujets intelligemment choisis pour les adolescents. « J’aime les ados. Ce sont les adultes de demain. Ce sont eux qu’il faut aider en priorité parce que leurs parents et grands-parents ont tellement fait d’erreurs ». Il y a la volonté de partager un sentiment, une émotion, une colère et également de transmettre une histoire afin qu’ils ne puissent « pas dire : on ne pouvait pas savoir ».

Le livre est un premier pas vers ces ados. Le deuxième, ce sont les rencontres et les ateliers d’écriture pour établir un réel échange.

 

  • Le Secret des oiseaux de Dorothée Piatek, Le Seuil