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Comédie-ballet à l’Arsenal : la descente aux enfers d’un naïf

Photo Brigitte Enguerand
Photo Brigitte Enguerand
Photo Brigitte Enguerand

C’est une nouvelle création de la Compagnie des Petits Champs, installée à Beaumontel, dans l’Eure. Clément Hervieu-Léger, pensionnaire de la Comédie-Française, a mis en scène une comédie-ballet peu connue de Molière et Lully. Monsieur de Pourceaugnac, une pièce créée à Chambord pour divertir la cour, raconte la descente aux enfers d’un homme naïf, originaire de Limoges. Celui-ci est venu à Paris pour épouser la jeune Julie. Mais le mariage n’aura jamais lieu. Sbrigani et sa bande usent et abusent de stratagèmes, inventent des personnages extravagants pour dissuader le gentilhomme. Elle est jouée mercredi 2 mars à L’Arsenal à Val-de-Reuil. Entretien avec Clément Hervieu-Léger.

 

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce genre qu’est la comédie-ballet ?

La comédie-ballet est un genre très particulier parce qu’elle n’a pas survécu à celui qui l’a créée. Je trouve cela très intéressant de se pencher dessus. Par ailleurs, dans la comédie-ballet, les parties chantées sont imbriquées dans l’action théâtrale.

 

Pourquoi Monsieur de Pouceaugnac reste une œuvre méconnue ?

Cette pièce a été écrite en 1669. Ce n’est donc pas une œuvre de jeunesse. A cette époque-là, Molière est au sommet de son art. Monsieur de Pourceaugnac est sans doute la pièce la plus aboutie dans la comédie-ballet. Elle nécessite d’être montée intégralement. C’est un type de projet lourd et compliqué.

 

Comment avez-vous alors abordé cette pièce ?

Le plus important a été de fonder un groupe. Monsieur de Pourceaugnac a été écrite et répétée en trois semaines avant d’être jouée. Cette pièce est le fruit de personnes qui se connaissent très bien, donc d’un groupe. Lors de la création, Molière jouait Monsieur de Pourceaugnac et Lully, le médecin. J’ai ainsi commencé à constituer un groupe avec des chanteurs et des comédiens. Tous jouent la comédie, chantent et dansent. On ne peut savoir qui est qui. Ce fut un travail titanesque.

 

Est-ce que Monsieur de Pourceaugnac reste la pièce la plus cruelle de Molière ?

C’est une des pièces les plus sombres sur le fond. Molière nous parle du groupe et de la manière dont un groupe peut se comporter pour faire échec à un mariage. Plusieurs personnes se mobilisent pour abattre un seul homme. C’est une chasse à l’homme tout au long de la pièce.

 

Il y a aussi beaucoup de folie.

Oui, le groupe veut rendre fou ce monsieur de Pourceaugnac. Il y a là quelque chose de carnavalesque. Le travestissement n’est pas puni par la loi. On peut tout se permettre et ne pas mettre de freins à des pulsions qui ne sont pas très jolies. Molière donne aussi des accents aux personnages. Ce qui rend la chose flamboyante. C’est très cruel et noir. Pourtant Molière nous fait rire et nous rend complices.

 

Dans votre travail de mise en scène, vous quittez le XVIIe siècle, sortez de l’esthétique baroque pour préférer les ambiances des années 1950. Pourquoi ?

Je reste fidèle à l’esprit de cette œuvre. Je la rapproche de nous sans la tordre. Il y avait une manière de rapprocher la pièce, d’être fidèle à un contexte sociologique : la transposer dans les années 1950. Pendant cette décennie, il y a encore des mariages arrangés, la différence entre Paris et la province est très marquée. Et on observe une émigration italienne après la guerre.

 

  • Mercredi 2 mars à 20h30 à L’Arsenal à Val-de-Reuil. Tarifs : de 25 à 10 €. Réservation au 02 32 40 70 40 ou sur www.theatredelarsenal.fr