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Concert d’ouverture : Jean-Claude Casadesus au Volcan

photo Ugo Ponte
photo Ugo Ponte

En 1982, Jean-Claude Casadesus dirigeait l’orchestre national de Lille pour l’inauguration du Volcan au Havre. 33 ans plus tard, le maestro revient avec sa formation de renommée internationale pour la réouverture de cette salle rénovée. Cette fois, l’acoustique a été l’objet d’une attention toute particulière. Le concert a lieu mercredi 7 janvier. Interview de Jean-Claude Casadesus.

 

 

 

 

C’est un retour au Havre pour vous, 33 ans après un premier concert.

Oui, un retour. J’ai eu le privilège d’être présent lors de la première inauguration du Volcan en 1982. Mon ami Jean-François Driant (directeur de la scène nationale du Havre, ndlr) que j’ai bien connu à Lille m’a fait cette proposition et je suis ravi.

 

Vous aviez pourtant été déçu en 1982.

Ce concert a été un point de départ difficile. Souvent, les villes construisent des salles polyvalentes pour accueillir des concerts, des pièces de théâtre… Or ce qui est bien pour le théâtre ne l’est pas pour la musique. Quand je suis arrivé au Havre, j’ai été ébloui par la beauté du bâtiment. Mais lorsque la musique a commencé à résonner, il lui manquait l’écrin dont elle a besoin. J’ai alors demandé où était le bois de ce bâtiment. On m’a répondu : il est sous la moquette. Cette moquette était comme un buvard et absorbait toutes les vibrations. Aujourd’hui, tout cela est oublié.

 

Vraiment ?

Oui, c’est oublié. Je fais confiance à tous ceux qui ont œuvré pour la rénovation de la salle.

 

Quand Jean-François Driant vous a demandé de revenir au Volcan, avez-vous considéré cette proposition audacieuse ?

Non, j’étais ravi. C’est adorable de faire revenir l’orchestre au Havre. J’ai été, moi aussi, confronté à des problèmes d’acoustique durant toutes ces années. Nous avons joué dans des conditions d’audition qui n’étaient pas toujours au top. Aujourd’hui, nous avons chez nous une très belle salle qui a une des meilleures acoustiques d’Europe. On ne dira jamais assez que l’auditorium est l’instrument d’un orchestre. Offrir de bonnes conditions est aussi une marque de respect pour le public. La musique a des exigences pour pouvoir nous transporter.

 

« Je n’abandonne rien »

 

Avez-vous choisi un programme particulier pour ce concert d’ouverture ?

Oui, j’ai voulu rendre hommage aux Havrais. J’ai choisi Pacific 231 de Honegger, un compositeur suisse qui est né au Havre. Il admirait les locomotives. Comme moi. Je me souviens que Honegger m’a fait sauter sur ses genoux et nous parlions ensemble de cette passion commune. J’ai ajouté la Symphonie n°1 de Dutilleux, une pièce qui a été le premier enregistrement avec l’orchestre. Nous avions reçu le Grand Prix de l’académie Charles-Cros. C’est une symphonie porte-bonheur.

 

Le programme comporte aussi le Concerto pour piano et orchestre de Brahms.

J’ai demandé au pianiste Philippe Bianconi de venir jouer avec nous cette œuvre superbe et romantique, héritée de Beethoven.

 

D’où vient cette passion pour les locomotives ?

Les locomotives sont d’une grande beauté. Ce sont des monstres fumants. Il y a quelque chose de surdimensionné et tellurique. C’est impressionnant de voir ces machines mettre en branle des dizaines de wagons. Les locomotives, ce sont aussi les voyages, le mouvement. Elles m’ont toujours évoqué les envolées wagnériennes.

 

L’orchestre national de Lille a bientôt 40 ans. Est-ce que la construction d’une telle formation est un travail quotidien ?

Un orchestre se consolide quotidiennement. On peut comparer ce travail au mythe de Sisyphe. Chaque concert est une avancée de 20 centimètres. Au début, j’ai été confronté à des scepticismes. Lors du premier concert, il y avait 57 musiciens et 51 auditeurs. Nous en avons 200 000 aujourd’hui. C’est en fait une véritable épopée. Je suis heureux de voir que cette construction s’est faite et se fait dans une écoute collective. Chacun doit être exigeant, mener un travail en profondeur pour que le chef synchronise.

 

Vous avez souvent dit que le métier de chef était mystérieux. Pourquoi ?

Il y a en effet des mystères. La direction demande beaucoup de travail, d’investissement avant d’aborder une œuvre. Le chef est le gardien du temple de la pensée du compositeur qu’il ne faut pas trahir. Pour cela, il faut donner le meilleur de soi-même, trouver le bon geste, le bon regard. C’est un questionnement permanent.

 

Vous avez décidé de laisser petit à petit la main. Est-ce une décision difficile à prendre ?

C’est un tuilage qui s’effectue en souplesse. Fait exceptionnel : j’ai nommé un directeur général. Dans 2 ou 3 ans, il y aura peut-être un directeur musical si nécessaire. Je suis le chef d’une entreprise de 126 personnes qui doit penser à la suite, assurer la pérennité de cette structure. Il faut que ma maison survive. C’est ma responsabilité. Je n’abandonne rien. Je continuerai à diriger. Il n’y a pas de retraite dans mon logiciel.

 

  • Mercredi 7 janvier à 19h30 au Volcan Niemeyer au Havre. Tarifs : de 33 à 9 €. Réservations au 02 35 19 10 20 ou sur www.levolcan.com