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Danse au CDN : un duo intime entre une fille et son père

photo Grégory Batardon

Je danse parce que je me méfie des mots… C’est le titre de la création de Kaori Ito, danseuse et chorégraphe, qui retrouve son père, le sculpteur Hiroshi Ito. Rendez-vous du 4 au 6 avril au CDN de Normandie Rouen.

 

C’est un dialogue entre un père et sa fille. Pas simples lorsque les liens ont été distendus. Pas simples non plus quand on est japonais. Au pays du soleil levant, « on ne se dit jamais les choses », regrette Kaori Ito. « J’ai grandi dans cette condition sociale assez violente parce que l’on ne sait pas ce qu’il se passe« . Pour s’exprimer, Kaori Ito a alors choisi la danse. « Petite, je sautais partout. J’étais assez tonique. Mon père m’a inscrit à des cours de danse. Je sais aussi que ma mère, enceinte de moi, souhaitait que sa fille devienne une danseuse. Elle était d’ailleurs venue à Paris à l’Opéra Garnier pour voir un spectacle« .

 

Kaori Ito est danseuse et chorégraphe. Elle a quitté le Japon pour étudier son art à New York aux États-Unis avant de venir en France pour travailler avec Philippe Découflé, Angelin Preljocaj, James Thiérée, Aurélien Bory… Si au Japon, « le silence est trop présent et trop pesant. En France, au moins, on s’engueule. J’ai mis du temps à comprendre qu’il était possible de se parler« . Au fil de ses observations, Kaori Ito découvre qu’il y a « deux sortes de mots : les concrets et les hypocrites« . Peut-on alors trahir avec la voix et le geste ? Impossible selon la chorégraphe. « Comme le geste, la voix est un mouvement qui crée une atmosphère. On le voit bien lors de la campagne pour les élections présidentielles, il est possible de distinguer les gestes contrôlés et les autres spontanés. Parce qu’on ne peut pas tout maîtriser. La danse est idéale pour cela. Le corps ressent un moment et s’exprime seul. C’est ce que l’on cherche avant tout sur le plateau : être spontané« .

 

En état d’urgence

Les mots sont le point de départ de la création de Kaori Ito, Je danse parce que je me méfie des mots, présentée du 4 au 6 avril au CDN de Normandie Rouen. Une parole qu’elle partage avec son père. « Après la catastrophe à Fukushima, je suis rentrée au Japon pour voir ma famille. J’avais 30 ans et j’éprouvais un sentiment de culpabilité« . Kaori Ito interroge ses racines, sa culture, le lien entre un père et son enfant. « Dans mon pays, le statut du père est très important. Il est d’autant plus important pour comprendre le Japon parce que le père représente le pays« . La jeune femme questionne son père sur des sujets plus ou moins intimes. « Il a répondu à toutes mes questions même si ses réponses ne sont pas vraiment les bonnes réponses. Je lui ai demandé s’il était d’accord que je me marie. Il m’a dit oui mais je sais qu’il pense le contraire« .

 

Je danse parce que je méfie des mots est une rencontre humaine et artistique entre Kaori Ito et Hiroshi Ito. La fille et le père dansent en solo ou ensemble. « C’est très étonnant de le voir aussi à l’aise sur scène. Il est comme un animal en état de survie, comme s’il allait mourir. Je comprends maintenant pourquoi je danse. Parce que je suis comme ça. La scène est un endroit de survie. On doit être dans un état d’urgence« . Les deux artistes se regardent, s’admirent, se livrent pour tenter de gommer la frontière culturelle qui existe entre eux deux.

 

 

 

  • Mardi 4, mercredi 5 et jeudi 6 avril à 20 heures au théâtre des Deux-Rives à Rouen. Tarifs : 14 €, 9 €. Pour les étudiants : carte Culture. Réservation au 02 35 03 29 78 ou sur www.cdn-normandierouen.fr
  • Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du mercredi 5 avril.